"C'était un brouillard de sang autour de nous", se souvient au micro d'Europe 1 Simonetta Greggio lorsqu'elle évoque les "années de plomb" qui ont endeuillé son pays natal entre 1969 et 1980. Arrivée en France à l'âge de 21 ans, la romancière et traductrice italienne, qui a fait de ces décennies tragiques le décor de ses romans Dolce Vita et Les nouveaux monstres, réagit à l'annonce de l'arrestation d'anciens activistes, majoritairement d'extrême-gauche, réfugiés en France. "J'aimerais qu'on fasse les comptes de manière plus juste", exhorte-t-elle.
"Macron fait d'énormes clins d'œil à sa droite"
"Cela fait quarante ans qu'il y a des silences et des ombres, qu'on ne veut pas réellement savoir ce qui s'est passé", commence Simonetta Greggio. Une omerta brusquement rompue par la décision d'Emmanuel Macron d'ordonner l'arrestation de dix anciens membres des Brigades rouges réfugiés en France - sept ont été interpellés, un s'est rendu et deux se sont rendus. Un geste réclamé par l'Italie depuis des décennies - le Premier ministre Mario Draghi avait toutefois réduit ses demandes d'extradition de 200 personnes à dix après son élection.
Jugeant qu'il faut "évidement payer pour ce qu'on a fait", la romancière italienne critique toutefois l'opportunité politique qui se cache, selon elle, derrière cette décision. "Tout ça arrive à un moment où Mario Draghi a besoin de montrer comme il est fort, comme c'est un bon chef de gouvernement, et pourquoi il faut justifier les milliards qu'il va demander à l'Europe. Quant à Macron, il est en train de faire d'énormes clins d'œil à sa droite. Tout ça est fait comme d'habitude, un peu dans la précipitation, et un peu dans le n'importe quoi."
"L'Italie s'est aussi rendue coupable de torture"
"Oui, ces gens sont coupables", déroule Simonetta Greggio. "Mais l'Italie s'est aussi rendue coupable de torture, de dérapages… Il ne faut pas oublier que tous ceux qui ont commis des attentats au nom de l'extrême droite [également dans les années de plomb, ndlr] étaient tenus par la main par l'Etat, et par une partie des services secrets italiens" - entre 1969 et 1980, le pays a subi plus de 12.000 attentats, qui ont fait 362 morts.
La romancière appelle alors à "rééquilibrer un peu les choses et non pas crier à une sorte de victoire qui n'en est pas une, parce que c'est une victoire qui fait mal au cœur. Notre démocratie a été mise à mal à ce moment-là. Ca a été très dur, très noir, très moche et très sanglant", tient-elle à rappeler.