Les chiffres sont impressionnants. Samedi, à Moscou, la police russe a arrêté 1.373 personnes qui manifestaient dans les rues de la capitale pour des élections libres, selon un bilan de l'ONG OVD-Info. Un nombre d'interpellations massif qui rappelle le mouvement de contestation de 2012 contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine. Pour Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférence à l'Université Paris Nanterre et spécialiste de la Russie, invitée dimanche d'Europe 1, "le pouvoir russe considère qu'une politique répressive est efficace en terme d'intimidation".
Selon les chiffres officiels de la police de Moscou, quelque 3.500 personnes, dont environ 700 journalistes professionnels et blogueurs, étaient présentes samedi à la manifestation. Et ce rassemblement devant la mairie de la ville intervenait après un rassemblement ayant réuni 22.000 personnes le dimanche précédent. "C'est une protestation telle que Moscou n'en avait pas connu depuis les protestations de masse de 2011-2012", estime Anna Colin Lebedev, selon qui les autorités n'étaient pas prêtes "à autant de personne dans la rue", car "l'enjeu ne semblait pas de taille très importante". Par ces manifestations, l'opposition entendait dénoncer le rejet des candidatures indépendantes en vue des élections locales du 8 septembre, qui s'annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale.
"Les interpellations de masse sont une pratique courante en Russie"
Si la police a fait état de "1.074" arrestations "pour des infractions diverses", l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations, dénombre elle 1.373 interpellations. Et avant même le rassemblement, plusieurs figures de l'opposition avaient été interpellées dans la matinée. Les domiciles et les permanences de plusieurs candidats exclus avaient été perquisitionnés par avance et, mercredi, l'opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny avait été renvoyé en prison pour 30 jours pour des infractions aux "règles des manifestations"
#UPDATE Police in Moscow said they arrested more than 1,000 people at a banned opposition protest calling for city authorities to reverse decisions to exclude key opposition candidates from the ballot paper https://t.co/cElgxq1AV3
— AFP news agency (@AFP) July 27, 2019
Kirill Kudryavtsev and Maxim Zmeyev pic.twitter.com/s47ILC4qka
"Les interpellations de masse sont une pratique courante en Russie", rappelle Anna Colin Lebedev, "le pouvoir considère qu'une politique répressive est efficace en terme d'intimidation". "On interpelle un très grand nombre de manifestants. Certains d'entre eux vont être condamnés à de la prison ferme, ce qui va décourager les Russes de sortir dans les rues et manifester pendant plusieurs années", explique encore la chercheuse.
Malgré leurs succès, et alors que l'opposant Ilia Iachine a annoncé une "nouvelle manifestation d'ampleur" à Moscou pour le 3 août, ces rassemblements pourront-ils avoir une quelconque conséquence dans les urnes ou sur la vie politique russe ? "Il est trop tôt pour faire des prévisions", tempère Anna Colin Lebedev, selon qui le "rassemblement n'était organisé par aucune force politique". "Il s'agissait d'une manifestation organisée sur les réseaux sociaux, par le bouche-à-oreille, dans des milieux moscovites plutôt lettrés, jeunes et très urbanisés", décrit-elle encore. "Il n'est donc pas évident de prévoir si une force politique d’opposition sortira de cette manifestation".