Les tensions montent entre le Kosovo et la Serbie. Une explosion a endommagé un canal vital pour l'approvisionnement en eau de milliers d'habitants au Kosovo. Plusieurs personnes ont été arrêtées ce samedi. Le gouvernement kosovar accuse la Serbie d'être à l'origine de l'attaque, ce qu'a démenti Belgrade qui condamne un "acte de sabotage inacceptable".
Plusieurs personnes ont été arrêtées samedi au Kosovo , où les mesures de sécurité autour des "installations critiques" ont été renforcées après une explosion qui a endommagé un canal vital pour l'approvisionnement en eau de milliers d'habitants et de deux centrales thermiques. Pristina a immédiatement accusé la Serbie d'avoir "orchestré" cette "attaque", ce que Belgrade a démenti. L'explosion a laissé un trou béant dans l'un des murs en béton du canal Ibar-Lepenac qui approvisionne en eau potable des centaines de milliers d'habitants du nord du Kosovo et une partie de la capitale, Pristina. Cette eau est également essentielle au refroidissement de deux centrales thermiques dont l'arrêt plongerait le pays entier dans le noir.
"Environ un quart" de l'approvisionnement en eau était assuré samedi matin, a annoncé le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, en visite sur les lieux de l'explosion. Il y a annoncé plusieurs arrestations, et encore une fois accusé Belgrade. La police "a procédé à des fouilles et à des arrestations", et "recueilli des témoignages et des preuves, les criminels et les terroristes devront affronter la justice et la loi", a-t-il affirmé. "Nous tenons la Serbie pour responsable", a-t-il martelé.
Dans un premier communiqué après un Conseil de sécurité dans la nuit, le gouvernement kosovar avait déjà affirmé que "les premières indications suggèrent" que cette explosion a été "orchestrée par l'État serbe, qui est doté des capacités pour mener une telle attaque criminelle et terroriste". Dans ce contexte, le Conseil de sécurité a "approuvé des mesures supplémentaires pour renforcer la sécurité autour des installations et des services essentiels, tels que les ponts, les transformateurs, les antennes, les lacs, les canaux, etc.". Les environs du canal sont depuis vendredi soir protégés par la Kfor, la force de l'Otan au Kosovo, a fait savoir l'organisation dans un communiqué.
"Allégations infondées"
La Serbie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a dès samedi matin rejeté toute responsabilité dans l'explosion et condamné "avec la plus grande fermeté" cet "acte de sabotage inacceptable". La Serbie "nie sans équivoque toute implication" et dénonce des "accusations sans fondement", "irresponsables" et "inquiétantes", a déclaré un peu plus tard le président serbe Aleksandar Vucic dans un communiqué transmis à l'AFP et une vidéo postée sur Instagram.
Ces "allégations infondées visent à ternir la réputation de la Serbie et à saper les efforts visant à promouvoir la paix et la stabilité dans la région", a-t-il dit. Sur le réseau social X, le chef de la diplomatie serbe Marko Djuric a sous-entendu que le "régime" kosovar pourrait être "potentiellement impliqué" dans l'attaque. La "destruction" du canal a été également dénoncée "avec la plus grande fermeté" par le principal parti politique des Serbes du Kosovo, la Liste serbe, proche de Belgrade.
"Cet acte va absolument à l'encontre des intérêts du peuple serbe et nous réclamons à la Kfor et à Eulex (la mission européenne de police et de justice) de mener une enquête en urgence", a indiqué le parti dans un communiqué. Les appels au calme se sont multipliés depuis vendredi soir. Le chef de la délégation de l'Union européenne au Kosovo, Aivo Orav, a dénoncé sur X "l'attaque (...) qui prive d'eau une grande partie du Kosovo". "J'ai déjà proposé l'aide de l'UE aux autorités du Kosovo. L'incident doit faire l'objet d'une enquête et les responsables doivent être traduits en justice", a-t-il ajouté.
"Éviter l'escalade"
"Ceux qui ont saboté les infrastructures essentielles au Kosovo doivent être tenus pour responsables", a abondé sur X Miroslav Lajcak, le représentant de l'UE pour le dialogue entre le Kosovo et la Serbie. Les États-Unis, via leur ambassade à Pristina, ont aussi fermement condamné "l'attaque contre des infrastructures critiques". La France a fait de même, appelant à une enquête qui permettra de "traduire les responsables en Justice". La Turquie a appelé toutes les parties "à éviter l'escalade" et offert son aide au Kosovo.
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Tout en condamnant un "acte de sabotage", le Premier ministre albanais, Edi Rama, a estimé qu'il était temps pour l'UE de donner un nouvel élan aux discussions entre le Kosovo et la Serbie, qui n'a jamais accepté l'indépendance de son ancienne province proclamée en 2008. "Le format actuel (des discussions, ndlr) n'a pas produit les résultats escomptés et il est temps que le dialogue soit traité dans le cadre des relations bilatérales entre l'UE et le Kosovo ou la Serbie, qui sont l'un comme l'autre des États indépendants", a-t-il écrit sur X.
Les relations entre Belgrade et Pristina ne sont jamais apaisées depuis la fin de la guerre en 1999. Les tensions connaissent des pics réguliers, notamment dans le nord du Kosovo où vit une importante communauté serbe. L'attaque de vendredi fait suite à une série d'incidents dans le Nord, notamment des grenades lancées contre un bâtiment municipal et un poste de police en début de semaine. Elle survient alors que des élections législatives doivent se tenir le 9 février au Kosovo.
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell a condamné samedi l'attaque du canal. "Il s'agit d'un acte abject de sabotage contre les infrastructures civiles essentielles du Kosovo, qui fournissent de l'eau potable à une partie considérable de la population", a écrit le responsable espagnol dans un communiqué, dénonçant aussi "une attaque terroriste". De son côté, la France a aussi "condamné" cette attaque et demande "que toute la lumière soit faite sur cet attentat" : "Cet attentat aurait pu avoir des conséquences considérables, notamment sur l'approvisionnement en eau et en électricité du Kosovo", indique une déclaration du ministère des Affaires étrangères, appelant à ce que "les auteurs soient traduits devant la justice kosovare".