Après la terreur, les questions. Au lendemain de l’attentat suicide qui a tué dix personnes dans le centre historique d’Istanbul, les observateurs et la presse internationale s’interrogent sur l’impact de l’attaque terroriste attribuée à Daech.
"Le prix de l'ambiguïté". Mercredi matin, la presse française estimait que le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan payait ainsi "le prix de l'ambiguïté" de la Turquie face à Daech. Car "si l’organisation terroriste est, fondamentalement, un danger pour elle, la Turquie ne peut s’empêcher de ménager les djihadistes", admet le spécialiste Philippe Moreau-Defarges, rappelant qu’Ankara n’a commencé à combattre Daech que depuis l’été dernier.
En 2014, par exemple, le gouvernement turc n’avait pas hésité à négocier, avec l’organisation Etat islamique (EI) , la libération de 46 diplomates et employés de son consulat à Mossoul, contre celle de 180 djihadistes emprisonnés dans les geôles turques, rappelle Le Monde, dans son édition datée de jeudi.
Un rempart face aux Kurdes. Par ailleurs, pendant longtemps, "les islamo-conservateurs turcs au pouvoir ont considéré que les djihadistes étaient de très efficaces combattants contre le régime de Bachar al-Assad, mais aussi contre les Kurdes", souligne, de son côté, Libération. Et c’est ce qui intéresse Ankara. Il ne faut pas oublier que pour Erdogan, "l’ennemi numéro 1 n’est pas Daech, mais les Kurdes qui réclament l’indépendance", indique Philippe Moreau-Defarges.
Le verrou des portes du chaos. Mais en un an, Daech est devenu une menace directe et bien réelle pour Ankara. L’attentat de mardi, dans le quartier de Sultanahmet, confirme un tournant dans la stratégie de l’EI qui a désormais pour cible la Turquie. "Il suffit de regarder une carte pour se rendre compte du problème de ce pays : sa position géographique", souligne le chercheur en relations internationales.
"Ce pays est une sorte de verrou entre le chaos du Moyen-Orient et l’Europe. Et aujourd’hui, Daech cherche à faire sauter ce verrou", ajoute-t-il, insistant sur "le rôle de stabilisateur" que joue la Turquie au sein du fragile équilibre de la région. "Erdogan doit faire face à trois problèmes : Daech, la question kurde et la poudrière qu’est devenue le Moyen-Orient", estime Philippe Moreau-Defarges. Difficile pour Ankara de mener cette triple bataille. "La Turquie n’a pour préoccupations que de défendre sa frontière et de contrôler le Kurdistan", commente le spécialiste. Mais l’attaque de mardi, en plein cœur d’Istanbul, pourrait obliger Ankara à revoir ses priorités.