Les rues se sont parées de bleu-blanc-rouge, mais l'accueil n'a pas été aussi amical. Juste avant l'arrivée lundi d'Emmanuel Macron à Ougadougou, au Burkina Faso, la première étape d'une tournée africaine de trois jours, deux hommes ont lancé une grenade contre un véhicule de soldats français dans le nord de la ville. Ils n'ont pas atteint leur cible mais trois riverains ont été blessés. Et pour ne rien arranger, les syndicats et une partie de la jeunesse appellent à manifester en marge de la visite présidentielle. Car, pour beaucoup, la présence de la France avec ses militaires et ses multinationales, jusqu'à la monnaie nationale, le franc CFA, sont vus comme des vestiges coloniaux. Le porte-parole du gouvernement burkinabé a même dû lancer un appel au calme. "Il y a un minimum sur lequel on doit être d'accord : c'est l'accueil de l'étranger chez nous", a-t-il déclaré.
Un passé qui ne passe pas. Emmanuel Macron avance donc en terrain miné. Mardi, le chef de l'Etat doit passer une sorte de grand oral devant 800 étudiants de l'université de Ouagadougou. Et pour parvenir à convaincre une jeunesse plutôt méfiante vis-à-vis de la France, le président de la République va devoir tordre le cou à de nombreux préjugés. Car si Emmanuel Macron n'est pas le premier président à vouloir en finir avec la Françafrique, le passé récent ne joue guère en sa faveur ; de Nicolas Sarkozy, on retient surtout son discours de Dakar, affirmant que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire", et de François Hollande l'envoi de troupes au Mali et en Centrafrique.
Une nouvelle méthode de travail. L'Elysée revendique désormais une méthode différente. Pour préparer son discours, Emmanuel Macron a tourné le dos aux habituels spécialistes et diplomates. Il a écouté les conseils d'un petit groupe d'une douzaine de membres reçus à l'Elysée, parmi lesquels des entrepreneurs, des artistes et même des sportifs qui n'ont pas craint de dénoncer le paternalisme économique et les relents coloniaux qui peuvent émailler les relations de la France avec les pays africains. Car l'image de la France sur le continent se dégrade toujours plus.
"Nouvelle étape de notre relation". Face aux étudiants, le chef de l'Etat veut changer de disque : parler jeunesse et réussite économique, pas seulement de l'immigration et de la lutte contre le terrorisme. Il se livrera également à un questions-réponses sans tabou, affirme l'Elysée, pour bien montrer que les temps ont changé.
Le Burkina "est l'emblème de l'aspiration démocratique de la jeunesse africaine. Cette vitalité démocratique de la jeunesse du Faso c'est le visage du continent que nous voulons voir", a déclaré Emmanuel Macron à la sortie de l'avion, en faisant allusion à l'insurrection populaire - à laquelle avaient participé des milliers de jeunes - qui avait mis fin à 27 ans au pouvoir de l'ancien président Blaise Compaoré en octobre 2014. "C'est une nouvelle étape de notre relation avec votre pays et tout un continent", a-t-il ajouté.