Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, se retrouve mardi en accusation devant la Cour Internationale de justice à La Haye. Pendant deux jours, la porte-parole de la présidence birmane va défendre son pays, accusé d’avoir commis un nettoyage ethnique et des actes de génocide contre les Rohingyas. Pour notre éditorialiste Vincent Hervouët, la chute de cet icône trahit aussi l'impossibilité pour la Birmanie de se reconstruire politiquement après des décennies de dictatures militaires.
"Aung San Suu Kyi est un repris de justice. Les tribunaux birmans l’avaient condamnée et enterrée vivante. Quand on a passé quinze ans en réclusion, on est endurcie. La justice internationale ne lui fait pas peur. Elle tient tête aux 57 pays de l’Organisation de la Conférence islamique, qui accusent son pays de génocide. Elle est l'équivalent d'un chef de gouvernement : elle fait de la politique. Elle est applaudie dans un pays bouddhiste qui considère les musulmans au mieux comme des envahisseurs, au pire comme des terroristes.
Le drame de Rangoon
Le jury d’Oslo a souvent couronné des gens que d’autres auraient volontiers envoyé dans un box à La Haye : Yasser Arafat, Menahem Begin, Le Duc Tho, Henry Kissinger. Aung San Suu Kyi a sacrifié sa vie à la politique. Elle y a aussi sacrifié sa réputation. Son obstination à défier les généraux lui avait valu le Prix Nobel. Son entêtement à nier tout génocide lui vaut un déshonneur à la hauteur. Elle dénonce 'un iceberg de désinformation'.
Mais ce qui se joue à la Haye dépasse la dame de Rangoon. Il y a le drame de Rangoon, celui d’un pays en miettes et ingouvernable. Il y a aussi la volonté de la Conférence islamique de faire reconnaître qu’il y a un peuple Rohingya, qu’il est birman et que des musulmans sont victimes d’un génocide."