"Tsunami", "paysage politique à terre"… Au lendemain des résultats du premier tour, le réveil est dur en Autriche comme l’affichent les médias nationaux. Dimanche, le candidat du parti d'extrême droite FPÖ, Norbert Hofer, a en effet devancé de loin ses concurrents dans les urnes. Une énorme claque pour la coalition droite-gauche au pouvoir. Au second tour, le candidat de l'extrême droite affrontera alors Alexander Van der Bellen, ancien professeur d'université de sensibilité centriste, soutenu par les Verts. Mais quelles sont ses chances de l’emporter?
Que se passe-t-il en Autriche? Norbert Hofer a obtenu 36,4% des voix devant l’écologiste Alexander Van der Bellen qui a obtenu 20,4% des suffrages. Les deux partis de la coalition au pouvoir, les sociaux-démocrates et les conservateurs, ont été éliminés au premier tour avec 11% des voix chacun.
Dans cet État fédéral d’Europe centrale, la fonction du président est avant tout honorifique. Il ne participe pas à la gestion du pays et son rôle est surtout protocolaire. Mais le résultat de cette élection consacre la montée en puissance du FPÖ. La raclée est d’autant plus forte pour les partis au pouvoir que le taux de participation est important : 70% dimanche contre 50% il y a six ans, lors de la réélection du président sortant Heinz Fischer.
Est-ce inédit ? Cette poussée de l'extrême droite en Autriche n’est pas une surprise. Elle avait été annoncée dans les sondages, tout comme les bons scores d’Alexander Van der Bellen, l’écologiste. Mais la situation n’en n’est pas moins inédite. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les sociaux-démocrates du SPÖ et les conservateurs de l’ÖVP, avaient toujours contrôlés la présidence.
L'extrême droite avait déjà réalisé des bons scores. Mais il s’agissait alors d’élections régionales. C’était le cas pour le scrutin en Haute-Autriche organisé en septembre 2015. Le FPÖ avait alors obtenu 30% des voix.
Comment expliquer ces résultats ? "L'extrême frustration et la colère d’un nombre important d’Autrichiens contre les deux partis traditionnels expliquent ce résultat", analyse Anton Pelinka, politologue autrichien, contacté par Europe 1. Cela justifie aussi la percée d’Imgard Griss, candidate indépendante, ancienne juge à la cour suprême, qui s’est fait connaître pour avoir présidé une commission d’enquête sur un scandale de corruption. Elle a obtenu 18% des voix.
Selon le politologue autrichien, Norbert Hofer a aussi réussi à se forger une image de "modéré dans son camp" en évitant tout dérapage. Le candidat du FPÖ, ingénieur aéronautique de profession, est réputé pour sa courtoisie et pour sa présentation impeccable. Il défend les positions du patron du FPÖ Heinz-Christian Strache, "mais avec une patte de velours", confirme le journal autrichien Österreich.
Norbert Hofer a aussi surfé sur un sujet de préoccupation des Autrichiens : la crise des migrants. Son discours anti-immigration a trouvé un certain écho dans le pays qui fait face à une situation inédite. 90.000 demandes d’asiles ont été enregistrées en 2015. Cela représente environ 1% de la population de ce pays de 8,5 millions d’habitants.
L'extrême droite peut-elle passer au second tour ? Les opposants au FPÖ ont un mois pour faire barrage au candidat d'extrême droite. Le second tour se déroulera le 22 mai. Selon Anton Pelinka, "Norbert Hofer a de grandes chances de gagner l'élection présidentielle". Le candidat écologiste doit rattraper un retard de plus de 16 points sur son rival d'extrême droite. La tâche semble ardue, d’autant qu’aucun candidat ni aucun parti n’ont appelé à voter pour Alexander Van der Bellen, à l’exception des Verts. Le chancelier social démocrate Werner Faymann a toutefois indiqué qu’il voterait pour le candidat écologiste "à titre personnel".
Ce n’est qu’une première étape avant de possiblement remporter les législatives, prédit le politologue. "Mais pour devenir le parti du chancelier, l’équivalent de notre Premier ministre, le FPÖ devra former une coalition" souligne toutefois Anton Pelinka. Cela dépendra aussi de la date des élections législatives. Prévues pour l’automne 2018, elles pourraient avoir lieu avant, si l’assemblée venait à être dissoute comme Norbert Hofer avait menacé de le faire lors de sa campagne.