Alors que l'émotion suscitée par la photo du petit Aylan reste immense, Europe 1 a choisi d'aller sur la plage de Bodrum même où le cliché a été pris mercredi, en Turquie.
Bodrum. C’est sur cette plage que s’est déroulée la tragédie. C’est là que le corps du petit Aylan, vêtu d'un tee-shirt rouge et d'un petit short bleu, a été retrouvé mercredi, échoué, le visage contre le sable. C’est là aussi que pavanent habituellement les touristes durant la journée. Cette station balnéaire est en effet choisie par les migrants pour regagner les îles grecques, donc l’Europe. L’embarcadère où se trouvait la famille d’Aylan a chaviré dans la nuit de mardi à mercredi. La mère et ses deux enfants ont péri dans le naufrage de ce bateau qui devait relier la ville côtière de Bodrum à l'île grecque de Kos. Seul le père a survécu.
>> Europe 1 s’est rendu sur cette plage où a été prise la photo d’ores et déjà historique du corps sans vie du jeune syrien de trois ans.
"Ça faisait mal au ventre". Il faut imaginer une petite plage sauvage, en bord de route, mais entourée par un littoral recouvert d'hôtels, de clubs de plage, de restaurants. A peine 100 mètres plus loin, transats et parasols sont déjà installés et n'attendent que les vacanciers qui se baignent ici tous les jours.
Et ce décalage rend encore mal à l'aise le patron de ce bar de plage. "Ça s'est passé juste de l'autre côté. Le matin, c'était calme, mais quelques heures plus tard, les gens s'amusaient, se baignaient. Même des enfants, du même âge, jouaient dans le sable, au même endroit où l'enfant a été retrouvé noyé. Ça faisait mal au ventre", commente le restaurateur sur Europe 1.
Il décrit ces petits groupes de migrants, qu'il voit passer depuis des mois, à la recherche d'une embarcation. Ils ont même tenté l'autre jour de louer au club de voile des petits catamarans. Il faut dire que l’île de Kos est extrêmement proche ; de la plage on aperçoit la côte grecque, juste en face, à 5 kilomètres à peine. A pied du phare, on trouve encore quelques traces du passage des réfugiés, qui dormaient là avant d'embarquer. Une petite bouée jaune, taille enfant, a été laissée sur les lieux.
"Ils criaient, ils pleuraient". Il y a quelques jours à peine, le serveur d'un restaurant a déjà eu une belle frayeur. "Un groupe a essayé de partir d'ici, un jour de pleine lune. Mais quand j'ai vu leur bateau, la moitié s'enfonçait, il prenait l'eau. Il y avait trop de monde, des femmes, des enfants. Ils criaient, ils pleuraient. Ils essayaient de ramer mais ils n'y arrivaient pas. Ils tournaient en rond. Alors ils ont fini par faire demi-tour", raconte-t-il, encore choqué.
Ce dernier se désole aujourd'hui de n'avoir rien fait. "En même temps que faire ?", se demande-t-il, avant de poursuivre : "si on appelle la police, de toutes manières, ils retenteront toujours leur chance". Ces départs sont devenus si habituels, quasi-quotidiens, que tout le monde a fini par trouver ça normal.