On ne plaisante pas avec les trésors, surtout lorsqu'ils ont été jalousement conservés depuis 500 ans. A Naples, dans le sud de l'Italie, un bras de fer oppose les habitants de la ville et l'Eglise catholique. Les premiers reprochent à la seconde de vouloir prendre le contrôle du trésor de San Gennaro, l'un des saints patrons napolitains.
Un trésor surveillé par un conseil. Ce trésor a été mis sur pied à partir de 1527, après que Naples a survécu à un série de malheurs : une résurgence de la peste, un siège par les Français et une éruption du Vésuve à l'origine de tremblements de terre. Les survivants se sont engagés à ériger une chapelle à leur saint patron, San Gennaro (Saint Janvier en français), décapité en 305 lors de la persécution des chrétiens par l'empereur Dioclétien. Construit avec l'argent de la ville, le bâtiment et son trésor, composé de colliers et boucles d'oreille sertis de pierres précieuses, ainsi que d'une mitre en or qui compte 3.326 diamants, 164 rubis et près de 200 émeraudes, sont gérés par un conseil, formé de douze laïcs et du maire.
Un décret met le feu aux poudres. Mais un décret du ministre italien de l'Intérieur, Angelino Alfano, a mis le feu aux poudres. Affirmant que le conseil était assimilable aux autres organisations qui s'occupent de bâtiments religieux, comme la basilique Saint Pierre à Rome, le ministre a en effet ordonné que quatre des postes du conseil soient attribués à des représentants de l'Eglise catholique. Le cardinal Crescenzio Sepe, archevêque de Naples, "a mis une grande pression sur le ministre pour qu'il exerce son influence sur l'un des symboles les plus célèbres de la religion populaire", affirme Paolo Jorio, directeur du musée de San Gennaro où le trésor est conservé.
Manifestation. Des milliers de Napolitains ont donc manifesté samedi pour protester contre l'ingérence de l'Eglise catholique. Plus de 3.000 personnes, certaines en T-shirt représentant le saint, ont noué des mouchoirs blancs au portail du musée et de la chapelle attenante. Parmi leurs banderoles, on pouvait lire "Ne touchez pas au trésor". "Nous protégeons une institution vieille de plusieurs siècles et ne supporterons aucune interférence, de l'Eglise ou du gouvernement", a expliqué Paolo Jorio. Le conseil devrait faire appel de la décision du ministère de l'Intérieur et d'autres manifestations sont déjà prévues. Le maire de Naples, Luigi De Magistris, qui préside le conseil, a affirmé qu'il ferait ce qu'il faudrait pour "garantir que ce que nous a transmis San Gennaro ne soit jamais dévalorisé".