Les prévenus encourent jusqu'à 20 ans de prison ferme. Le tribunal de Bruxelles rend ce mardi 29 octobre son jugement concernant un large réseau de trafic de drogue, principalement de cannabis et cocaïne en Europe. Une douzaine d'hommes sont jugés, considérés comme des "dirigeants" présumés d'une organisation criminelle.
Le tribunal de Bruxelles rend mardi son jugement dans un des plus gros dossiers de trafic de drogue instruit en Belgique, pays devenu une des plaques tournantes majeures en Europe pour le commerce de la cocaïne. Le procès, qui s'est tenu de décembre 2023 à mai 2024, a été exceptionnel par le nombre de prévenus: plus de 120 hommes et femmes, auxquels s'ajoutaient quatre entreprises, soupçonnées d'avoir uniquement servi à dissimuler des activités illégales.
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Un "coup de com" du parquet fédéral selon les avocats des prévenus
Des peines allant jusqu'à 20 ans de prison ont été requises. Le jugement doit être prononcé au Justitia, l'ancien siège de l'Otan reconverti en bâtiment de justice pour les procès nécessitant une sécurité renforcée. Ce dossier porte sur un vaste trafic international de cocaïne et de cannabis qui avait été démantelé par la police belge en 2021-2022, en collaboration avec celles d'Italie et d'Allemagne. Il a été baptisé "Encro" car pour confondre les suspects les enquêteurs se sont appuyés en bonne partie sur le décryptage des messageries Encrochat et Sky ECC, très prisées des narcotrafiquants. Certains prévenus y usaient de multiples pseudonymes.
La drogue était en général acheminée dans des conteneurs en provenance d'Amérique du Sud et du Maroc , via le port belge d'Anvers, première porte d'entrée en Europe pour la "blanche", mais aussi ceux de Rotterdam (Pays-Bas), Hambourg (Allemagne) et du Havre (France), selon l'accusation. Si cette procédure de "328 cartons" est celle de tous les superlatifs pour les autorités belges, elle a été brocardée du côté de la défense.
Certains avocats ont dénoncé "un coup de com" du parquet fédéral, accusé d'avoir voulu tenir "son grand procès Sky ECC" en réunissant une demi-douzaine de dossiers différents. "Des personnes ont été liées artificiellement les unes aux autres alors qu'elles n'avaient aucun lien", a déclaré à l'AFP Me Gilles Vanderbeck, qui défend trois prévenus dont l'Algérien Abdelwahab Guerni. Ce dernier pourrait être le plus lourdement condamné si le tribunal suit la demande du procureur Julien Moinil, qui a requis 20 ans de prison.
L'accusation assure avoir identifié différents groupes criminels actifs depuis 2017, "structurés, hiérarchisés" et présentant entre eux "des liens commerciaux illicites" ou "de connexité". Certains suspects sont en détention préventive en Belgique depuis leur interpellation. D'autres ont comparu libres, placés sous surveillance électronique ou une autre forme de contrôle judiciaire. Le jugement pourrait donner lieu à des arrestations à l'audience en cas de condamnations sévères.
Parmi les prévenus, aux nationalités diverses - albanaise, colombienne, belge, kosovare, ukrainienne ou originaires du Maghreb -, une douzaine d'hommes sont poursuivis comme "dirigeants" présumé d'une organisation criminelle. C'est le cas d'Abdelwahab Guerni, mais aussi de l'Albanais Eridan Munoz Guerrero (19 ans requis), gestionnaire présumé de plusieurs laboratoires de transformation de cocaïne à Bruxelles, arrêté en octobre 2021 par la police belge.
"J'ai joué et j'ai perdu (...) Je confirme avoir dirigé un groupe", mais "il y a ici cent personnes que je ne connais même pas", avait déclaré Munoz Guerrero à l'ouverture du procès. Son avocate Nathalie Gallant a demandé la clémence du tribunal, en soulignant que son client avait accepté de collaborer à l'enquête. "Il n'est pas le patron de la mafia albanaise", a-t-elle lancé. Outre les sites clandestins de transformation de cocaïne, des plantations de cannabis ont aussi été découvertes dans des hangars en Belgique.
Participation à une organisation criminelle, violation de la législation sur les stupéfiants, trafic d'armes, etc : une grosse dizaine d'infractions sont visées. Il est aussi question de séquestration et de tentative d'extorsion au préjudice de certains protagonistes du dossier. Le jugement était initialement attendu le 2 septembre, mais le délibéré a été prolongé. Le tribunal a accepté d'examiner la requête d'un prévenu condamné en juin dans une autre affaire de stupéfiants et qui a brandi cet argument pour refuser toute nouvelle peine supplémentaire.