Chacun continue à camper sur ses positions. Les Etats-Unis d'un côté, l'Iran de l'autre. Alors que Donald Trump affirme envisager de sortir de l'accord nucléaire conclu en juillet 2015, le régime iranien a rétorqué cette semaine qu'il sortirait lui aussi si les Américains mettaient en oeuvre leur décision. Le président iranien Hassan Rohani a enfoncé le clou ce dimanche en déclarant que "si les États-Unis quittent l'accord nucléaire, vous verrez bientôt qu'ils le regretteront comme jamais dans l'histoire".
En 2015, cet accord avait pourtant été conclu de haute lutte par Barack Obama. Pourquoi donc, trois ans après, Donald Trump, tient-il tant à en sortir ? "Il avait prévenu tout le monde, candidat. Une fois en poste, Donald Trump a commencé par décertifier cet accord deux fois devant le Sénat. Puis il a alerté ses alliés européens, les Français les Allemands, les Anglais, qui étaient partie prenante de cet accord en juillet 2015, qu'il faudrait à l'issue du 12 mai, le réparer", rappelle Benjamin Hautecouverture, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions de sécurité internationale, de prolifération des armes de destruction massive et de dissuasion, invité de l'émission de David Abiker, C'est arrivé demain.
Un rapport de forces. Son objectif : corriger les deux principales faiblesses de l'accord, selon le président américain : "C'est d'abord le fait que l'accord n'aborde absolument pas les capacité balistiques de l'Iran, analyse Benjamin Hautecouverture, alors que le régime continue son programme balistique et mène des essais. L'accord n'aborde pas non plus la place de l'Iran dans la sécurité régionale."
Reste désormais à savoir qui remportera la partie. "L'Iran et les Etats-Unis sont dans un rapport de force", assure l'expert. L'Iran réussira-t-il à convaincre les Chinois, les Russes et les Européens de convaincre, eux-mêmes, les Etats-Unis de rester dans l'accord ? Ou est-ce que les Américains remporteront la mise en parvenant à casser le consensus auprès des Européens et, si possible, des Russes et des Chinois ?
Un jeu d'équilibriste délicat où chacun tentera de sortir par le haut. "Les Iraniens disent qu'ils vont sortie de l'accord si les Etats-Unis le quitte mais en réalité, ce n'est pas tout à fait sûr, estime Benjamin Hautecouverture. Ils pourraient rester tout de même dans cet accord, conclu entre six parties, plus l'Iran. Et il pourrait continuer de valoir avec les autres, en particulier avec la Chine et la Russie, pays avec lesquels l'Iran a tout intérêt à continuer à commercer."
Les Européens contraints de jouer les diplomates. Entre l'Iran et les Etats-Unis : l'Europe. Depuis deux mois, les Européens sont contraints de jouer les diplomates pour calmer le jeu. Car la sortie des Etats-Unis de l'accord pourraient avoir d'importantes répercussion. "Les sanctions des Etats-Unis contre l'Iran seraient immédiatement renforcées, prévient le chercheur. Et l'Iran n'aurait plus intérêt à rester dans cet accord. Ce serait le début d'une nouvelle escalade telle qu'on l'a connue entre 2003 et 2012."
Les Européens tiennent donc à cet accord. "Il est inspecté, validé et garanti par les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique tous les trois mois sur place, explique Benjamin Hautecouverture. Ils vont faire des campagnes d'inspection à l'issue desquelles ils écrivent des rapports disant si l'Iran respecte ses engagements : ne plus enrichir de l'uranium, ne pas retraiter de plutonium et conserver toutes les capacités au niveau de juillet 2015."
Conséquence ? "L'Agence internationale de l'énergie atomique garantit la bonne foi des Iraniens. Les Français, les Anglais, les Allemands continuent de dire que cet accord est bien mis en oeuvre. Il s’arrêtera un jour, en 2025. Il est temps de commencer à penser à un après 2025 mais certainement pas en sortant de l’accord avant son issue."
Le grand deal d'Emmanuel Macron. Les diplomates européens et notamment les Français vont donc tout faire pour infléchir la position américaine. "C'est un aiguillon qui peut être un peu positif, poursuit Benjamin Hautecouverture. Cela contraint les Eurpéens à trouver un plan B."
A Washington, Emmanuel Macron a dévoilé sa solution d'un "grand deal" qui repose sur 4 piliers : la mise en oeuvre de l'accord nucléaire aujourd’hui, sa mise en oeuvre après 2025, la dimension balistique, et la dimension de sécurité régionale. "C'est extrêmement ambitieux et c'est très optimiste, juge le chercheur. Mais les diplomates français essaient de vendre en ce moment leur solution aux Russes, aux Chinois, aux Iraniens et aux Américains. Il y a peu de chances pour que ça fonctionne aussi vite mais il pourrait en rester quelque chose dans les mois à venir. Cela permettra de gagner un peu de temps afin de montrer à tous les protagonistes de cette histoire qu'ils risquent tous d'y perde si l'accord est mort."