Mardi, le pape François va rencontrer la dirigeante birmane et aborder la délicate question des Rohingyas musulmans.
Le pape sera reçu mardi par la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, à la tête du gouvernement birman, temps fort de son voyage dans un pays blessé par des décennies de violences et la crise des Rohingyas musulmans.
Reçu par le président. Mardi matin, l'infatigable partisan du dialogue interreligieux a démarré sa journée par une rencontre "privée" à Rangoun avec des dirigeants religieux, bouddhistes, hindouistes, chrétiens, musulmans et juif. Le souverain pontife argentin démarrera son programme officiel en s'envolant mardi après-midi pour Naypyidaw, la capitale administrative, entourée de rizières et de champs de canne à sucre, à 320 km de Rangoun, la capitale économique. Il sera reçu par le président Htin Kyaw, un proche d'Aung San Suu Kyi, puis par celle qui est officiellement ministre des Affaires étrangères mais de facto chef du gouvernement.
L'Eglise locale défend la Prix Nobel. L'Eglise birmane défend Aung San Suu Kyi face à l'avalanche de critiques internationales sur son manque d'empathie affiché pour les Rohingyas, arguant qu'elle doit composer avec l'armée encore toute puissante et qu'elle reste un maillon clef pour démocratiser le pays. C'est tout sourire et visiblement ravi que le pape François avait accueilli la Prix Nobel de la Paix 1991 en mai dernier au Vatican. Le Saint-Siège et la Birmanie avaient alors annoncé dans la foulée l'établissement de pleines relations diplomatiques. L'Eglise catholique locale est soucieuse de ne pas prendre de front une population majoritairement bouddhiste, marquée par un nationalisme bouddhiste antimusulman et vent debout contre les critiques de la communauté internationale sur le sort de la minorité ethnique musulmane des Rohingyas.
Le mot "rohingyas" tabou ? Chacune des paroles du pape François sera donc examinée à la loupe, juste après une allocution d'Aung San Suu Kyi mardi après-midi. Le fait de savoir si le pape ira jusqu'à prononcer le mot "Rohingyas", tabou pour les Birmans lors de sa visite, suscite toutes les interrogations. Craignant notamment une réaction des bouddhistes extrémistes, l'archevêque de Rangoun, Charles Bo, premier cardinal du pays, lui a recommandé d'éviter le mot et de parler plutôt des "musulmans de l'Etat Rahkine". Cette terminologie officielle, neutre, est celle que souhaiterait imposer Aung San Suu Kyi pour éviter la guerre sémantique entre l'appellation "Bangladais" (utilisée par la majorité bouddhiste en Birmanie) et "Rohingyas" (employée par ces musulmans pour se désigner). Depuis la place Saint-Pierre de Rome, le pape s'est ému à plusieurs reprises du sort réservé aux Rohingyas, "torturés et tués en raison de leurs traditions et de leur foi" en Birmanie. Il semble peu probable qu'il s'exprime aussi librement sur le sol birman.