Plus de trente ans après la fin de la dictature, le Brésil a élu dimanche son premier président d'extrême droite. Mais Jair Bolsonaro, qui prendra ses quartiers dans le palais du Planalto à Brasilia en janvier 2019, ne gouvernera pas seul. L'ex-capitaine de l'armée sera notamment entouré de "quatre ou cinq généraux", comme l'a déjà révélé le président de son parti, au journal O Globo. Dans son ensemble, son équipe gouvernementale s'annonce déjà assez inexpérimentée… Et pour le moins clivante.
- Le général Mourao, un vice-président bien encombrant
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Comme Jair Bolsonaro, il est coutumier des déclarations polémiques. Comme lui aussi, il ne cache pas son admiration pour le colonel Brilhante Ustra, l’un des tortionnaires les plus sanguinaires du régime militaire. Le vice-président Hamilton Mourao était pourtant loin d'être le premier choix du candidat d'extrême droite, qui a essuyé plusieurs refus pour le poste. Reste que ce général de réserve, âgé de 65 ans, s'est souvent retrouvé en première ligne dans la campagne électorale, notamment lorsque Bolsonaro s'en est écarté après avoir été poignardé.
Souvent, ses prises de parole ont gêné dans le camp même du futur président. Il a ainsi été sévèrement recadré après avoir insinué que le prochain gouvernement pourrait en finir avec le treizième mois des salariés. Début août, lors de sa première apparition publique en tant que colistier de Bolsonaro, il avait aussi affirmé que le pays était plombé par un héritage issu de "l'indolence des Indiens et de la roublardise des Noirs". La veille du premier tour, le 6 octobre, il avait encore défrayé la chronique en louant le "blanchiment de la race" à côté de son petit-fils, à la peau plus claire que lui. Sans compter ses déclarations sur les familles monoparentales dépourvues de figure paternelle, des "fabriques à dégénérés qui ont tendance à grossir les rangs des narcotrafiquants"…
En cas de décès ou de destitution du président, c'est à lui que reviendrait la charge de diriger le Brésil. En attendant, Hamilton Mourao veut jouer un rôle clé auprès du chef de l'État. "Je me vois comme un proche conseiller du président au palais de Planalto (...), avec un bureau à côté du sien. Nous ne serons pas des figures distantes comme c'est arrivé par le passé", a-t-il notamment confié dans un entretien publié vendredi par le quotidien O Globo.
- Paulo Guedes, ultra-libéral et bientôt "superministre"
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Jair Bolsonaro l'avoue sans détour : "En vérité, je ne comprends rien à l'économie". C'est dire la confiance aveugle que porte le président élu en la personne de Paulo Guedes, son véritable gourou en la matière. Qu'importe si les deux hommes se connaissent depuis moins d'un an.
À 69 ans, cet ultra-libéral qui a fait fortune en pariant sur la baisse des marchés financiers est ainsi déjà promis à un poste de "superministre", qui pourrait avoir sous sa coupe les actuels ministères de l'Économie, de l'Industrie, du Commerce, du Plan et le secrétariat d'État chargé des Investissements publics.
Cheveux gris et lunettes fines, Paulo Guedes est titulaire d’un doctorat de l’Université de Chicago, berceau du libéralisme économique moderne. Il a ensuite enseigné dans des établissements parmi les plus prestigieux du Brésil, ainsi qu’à l’Université du Chili, sous le règne d’Augusto Pinochet. Sa tâche s'annonce gigantesque, tant le pays et ses 208 millions d'habitants subissent de plein fouet la crise économique, et Paulo Guedes devrait souvent se retrouver au premier plan. Ces trois dernières semaines, il s'est cependant montré assez discret. Et pour cause : deux enquêtes pour fraude ont été ouvertes à son encontre par le parquet fédéral.
- Augusto Heleno, un modèle pour Bolsonaro
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Plutôt que le général Mourao, Jair Bolsonaro aurait souhaité avoir pour colistier Augusto Heleno Ribeiro Pereira. Problème : celui-ci s'est vu empêcher par son parti de rejoindre le ticket. Cet ex-commandant en chef des forces de la mission de l'ONU en Haïti en 2004 et 2005, où les troupes ont été suspectées d’agressions sexuelles, a néanmoins participé activement à la campagne.
Jair Bolsonaro, dont il a été l'instructeur à l'académie militaire dans les années 1970, lui voue d'ailleurs une grande admiration. En avril 2017, il avait par exemple expliqué au journal Estado de Sao Paulo que le général pourrait occuper "le poste qu'il veut" dans son gouvernement. Aujourd'hui, Augusto Heleno est plutôt pressenti pour devenir ministre de la Défense. En guise de conviction, il défend notamment le recours à des "snipers" pour en finir avec les gangs de narcotrafiquants.
- Onyx Lorenzoni, le plus expérimenté
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Il est sans aucun doute le plus aguerri politiquement dans l'entourage de Bolsonaro. Ony Lorenzoni, 64 ans, est parlementaire depuis plus de vingt ans, d'abord à l'assemblée d'État de Rio Grande du Sud (1995-2002) puis à la chambre nationale des députés.
Membre du parti de droite DEM, il s'est illustré ces dernières années à la chambre pour avoir été rapporteur d'un projet de loi anticorruption. Le poste de ministre de la Maison Civile, à mi-chemin entre Premier ministre et chef de cabinet, lui est vraisemblablement promis.
- Alessio Ribeiro Souto, celui qui souhaite enseigner le créationnisme
Encore un militaire. Potentiel ministre de l'Éducation, Alessio Ribeiro Souto a des idées singulières en la matière. Il souhaite notamment "rétablir la vérité sur le régime de 1964", qu’il refuse de qualifier de dictature, et supprimer l"idéologie de gauche" qui polluerait les collèges, selon lui. Le 15 octobre dernier, dans une interview au Estado de Sao Paulo, il avait également souligné que l'enseignement du créationnisme - doctrine religieuse qui tend à expliquer l'origine de l'univers par la création divine - n’"était pas une erreur".
- Marcos Pontes, l'astronaute
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Pilote de chasse et astronaute, Marcos Pontes est connu pour être le premier Brésilien à être allé dans l'espace, en 2006, à bord d'une fusée Soyouz qui l'a amené à la Station spatiale internationale (ISS), où il a passé une semaine.
Il devrait devenir, à 55 ans, ministre des Sciences. Considéré comme un héros national, il pourrait donc être le seul au sein du gouvernement à faire véritablement consensus…
Michelle Bolsonaro, la très croyante Première dame
Elle ne fera pas partie du gouvernement, mais à 36 ans - soit 27 de moins que Jair Bolsonaro - Michelle de Paula Firmo Reinaldo compte bien jouer un rôle en tant que Première Dame. Dans un des rares entretiens qu'elle a accordés pendant la campagne, elle a notamment déclaré qu'elle souhaitait s'impliquer dans "toutes les causes sociales possibles", en particulier en faveur des personnes handicapées. La Brésilienne, qui pratique assidûment le langage des signes, est par ailleurs très croyante. Au point de bannir, lors de son mariage avec Jair Bolsonaro, en 2013, la musique en direct et les groupes de samba, selon le quotidien Folha de Sao Paulo.
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