Parmi les mesures dénoncées par Amnesty International, un assouplissement sur le port d'armes ou encore l'élargissement de la notion de légitime défense pour les policiers.
Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro a pris lors de ses cinq premiers mois à la tête du Brésil des mesures qui menacent les droits de l'homme, a dénoncé Amnesty International dans un rapport publié mardi.
"Nous avons observé avec attention son gouvernement et malheureusement, nos inquiétudes commencent à être justifiées : il a pris des mesures qui menacent le droit à la vie, à la santé, à la liberté et à la terre", a affirmé la directrice d'Amnesty au Brésil, Jurema Werneck, citée dans le rapport. "Malheureusement, le discours contraire aux droits de l'homme est en train de se transformer en politique officielle", a-t-elle insisté en conférence de presse. Dans un communiqué conjoint des ministères des Droits de l'homme et des Affaires étrangères, le gouvernement s'est dit ouvert "au dialogue avec Amnesty International, pour démontrer qu'aucune des affirmations contenues dans le rapport ne correspond aux politiques mises en place" depuis le début du mandat de Jair Bolsonaro.
Des décrets qui assouplissent les critères du permis de détention ou de port d'armes
Pourtant, pour l'ONG, deux décrets qui assouplissent les critères d'attribution de permis de détention ou de port d'armes "peuvent contribuer à l'augmentation du nombre d'homicides" dans un pays qui est déjà l'un des plus violents au monde, avec près de 64.000 personnes tuées en 2017. Le taux d'homicide, près de 31 pour 100.000 personnes, est trois fois supérieur au seuil de violence endémique défini par l'ONU. Amnesty critique également le projet de loi anticriminalité soumis au Congrès par le ministre de la Justice et de la Sécurité publique Sergio Moro, qui, selon Jurema Werneck, "rend légitime une politique sécuritaire basée sur l'usage de la force létale".
Une de ces mesures élargit notamment la notion de légitime défense pour les policiers. Si cette loi était votée, les agents des forces de l'ordre pourraient ne pas être poursuivis s'ils font l'usage de leur arme en raison "de la peur, de la surprise ou d'une émotion violente". L'ONG a aussi fait part de son inquiétude au sujet des droits des indigènes, insistant sur le fait que "de nombreuses communautés ancestrales dont les territoires n'ont pas encore été reconnus sont en danger". "Nous demandons au gouvernement de remplir son devoir de protéger ces populations vulnérables", a affirmé Jurema Werneck.
Vers une limitation de l'autonomie des ONG ?
Amnesty rappelle qu'une des premières décisions du gouvernement Bolsonaro avait octroyé la responsabilité de la délimitation des terres réservées aux indigènes au ministère de l'Agriculture, ce qui reviendrait pour ses détracteurs à livrer ces territoires à l'agro-négoce. Cette décision a été prise sous la forme d'une Mesure provisoire (MP), sorte de décret à effet immédiat, mais qui doit par la suite être approuvée par le Congrès pour être adoptée définitivement.
Une commission parlementaire a déterminé début mai que cette attribution devait revenir à nouveau à la Fondation de l'Indien (Funai), organisme qui dépend du ministère des Droits de l'homme. Amnesty réitère toutefois son "inquiétude", dans la mesure où la MP doit encore être votée en séance plénière.
Le rapport fait aussi part d'une préoccupation face à des mesures visant à limiter l'autonomie des ONG, attribuant notamment au ministère du Secrétariat au gouvernement la mission de "superviser et coordonner les actions" de ces organisations non-gouvernementales.