Les Brésiliens protestant contre les coupes budgétaires du gouvernement Bolsonaro dans l'éducation ne désarment pas : deux semaines après des défilés monstres, ils étaient encore des dizaines de milliers jeudi à manifester dans une centaine de villes.
"Manifester est notre seule façon de montrer que nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement. On ne peut pas faire comme si tout allait bien", a déclaré Isadora Duarte, 24 ans, étudiante en pharmacie, qui protestait à Rio de Janeiro, où plusieurs milliers d'étudiants et enseignants étaient réunis en centre-ville. À Sao Paulo, les manifestants ont déployé une banderole bleue d'une centaine de mètres avec pour message "Le Brésil pour l'éducation". D'après le site internet d'informations G1, des manifestations avaient lieu dans 104 villes, dans 22 des 26 Etats du Brésil en début de soirée. La mobilisation était d'une grande ampleur, mais semblait moins importante que celle du 15 mai, quand un million et demi de personnes s'étaient rassemblées dans plus de 200 villes de tous les Etats brésiliens.
2.000 personnes à Brasilia
"Je suis ici parce que toutes les personnes d'origine pauvre méritent une éducation de qualité", a déclaré à l'AFP Kaio Duarte. Le jeune homme, qui étudie pour devenir assistant social, a manifesté à Brasilia, où près de 2.000 personnes se sont réunies dans la matinée près de l'emblématique esplanade des ministères. "Je suis inquiet pour les prochaines générations, qui pourraient ne pas bénéficier de la même éducation que moi." Dans la capitale brésilienne, de brefs heurts ont éclaté entre manifestants et policiers, qui ont utilisé des sprays au gaz de poivre pour les disperser. "Ces manifestations ont pour but de mettre la pression sur le gouvernement et leur dire que ce n'est pas possible d'accepter autant de coupes budgétaires dans l'éducation", a affirmé Lina Vilela, enseignante également descendue dans la rue.
La mobilisation des étudiants intervient après l'annonce du gel de 5,1 milliards de réais (environ 1,16 milliard d'euros) dans le budget de l'éducation. Cela affecte notamment les universités fédérales, qui pourraient disposer de 30% de fonds en moins pour leurs dépenses de fonctionnement. Une semaine après les manifestations de masse du 15 mai, le gouvernement a annoncé que des fonds de la réserve budgétaire seraient utilisés pour combler une partie du gel annoncé au préalable.
Le gouvernement ne recule pas
Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro avait qualifié les étudiants d'"idiots utiles manipulés par une minorité experte qui compose le cœur des universités fédérales au Brésil". Des propos qu'il a semblé regretter ensuite, préférant évoquer des "innocents utiles". Dans une vidéo publiée mercredi sur Twitter, le ministre de l'Education Abraham Weintraub a affirmé que les étudiants étaient "contraints" par leurs professeurs de se rendre aux manifestations. "Ce n'est pas mon cas. Je suis venu de moi-même. Je viens de sortir d'un entretien d'embauche et je suis venu manifester pour ça aussi : le chômage est très élevé et ce n'est pas en réduisant le budget de l'éducation qu'on va résoudre ce problème", a dit João Vitor Menezes da Silva, 21 ans, étudiant de mode à Rio.
Dimanche, plusieurs dizaines de milliers de partisans de Jair Bolsonaro avaient manifesté dans tout le Brésil pour apporter leur soutien au chef de l'Etat et réclamer du Parlement qu'il accélère l'approbation des réformes du gouvernement. De son côté, la mobilisation des étudiants continue, face à un gouvernement qui a pris une série de décisions controversées en matière d'éducation, avec notamment une intention affichée d'"expurger le marxisme culturel" de l'enseignement.
Le premier ministre de l'Education de Jair Bolsonaro, Ricardo Velez, a été limogé début avril, après une série de polémiques. Son successeur Abraham Weintraub semble vouloir poursuivre la croisade idéologique. Peu après avoir pris ses fonctions, cet économiste avait annoncé des coupes budgétaires dans trois universités accusées de "semer le désordre", après avoir accueilli des "manifestations contre le fascisme" ou des débats avec des élus de gauche. Il a finalement étendu la mesure à toutes les universités fédérales.