Plus de deux mois après le référendum sur le Brexit, le calendrier et les modalités d'une sortie de la Grande-Bretagne de l'UE restent très flous.
"C'est du baratin !" Très attendu à la Chambre des Communes, le ministre du Brexit, David Davis, a été pour le moins chahuté par l'opposition, lundi à Londres. Plus de deux mois après le vote des Britanniques pour une sortie de l'Union Européenne, le 23 juin, les détails de ce processus inédit restent très flous. Et le ministre ne les a en rien clarifiés lors de la rentrée parlementaire, se contentant d'exposer une vision très optimiste de l'après-Brexit et affirmant que l'Europe avait tout intérêt "à la relation commerciale la plus libre possible" avec le Royaume-Uni.
Au même moment, à Hangzhou, en Chine, la Première ministre britannique Theresa May s'est vue pressée par ses partenaires au sommet du G20. Celle qui avait reconnu dimanche que des "moments difficiles" attendaient l'économie britannique a notamment reçu un avertissement du Japon, qui l'a prévenue que ses entreprises pourraient fuir le pays en cas de bouleversements drastiques. Tokyo a également demandé à avoir le plus tôt possible "un tableau complet du processus du Brexit". Et c'est bien là que le bât blesse : jusqu'ici, Theresa May et son gouvernement ont surtout dit ce que ce Brexit ne serait pas.
Une officialisation fin 2016 ?
La date même de l'ouverture des négociations avec l'Union Européenne reste inconnue: "pas avant la fin de l'année", se contente de répéter Theresa May. Alors que l'UE et ses membres ne cessent de réclamer un calendrier clair, le Royaume-Uni n'a toujours pas notifié son intention de séparation au Conseil Européen par courrier. Une étape pourtant indispensable à l'officialisation du résultat du référendum, pour l'instant considéré comme un acte de droit politique interne.
Lors d'une conférence de presse donnée à Hangzhou en marge du sommet du G20, François Hollande a estimé que "la fin de l'année" 2016 constituait un "délai raisonnable" pour commencer à négocier. "Tout report aurait des conséquences dommageables", a prévenu le chef de l'Etat français. Selon le Sunday Times, le fameux courrier indiquant un recours à l'article 50 du traité de Lisbonne pourrait pourtant n'arriver qu'à la fin de l'année 2017, l'administration britannique n'ayant pas encore les infrastructures nécessaires pour mener les négociations. D'après le Telegraph, Theresa May ne sollicitera en tous cas pas de vote du Parlement avant de déclencher la procédure, de peur qu'elle ne soit ralentie.
Des pourparlers jugés prématurés
Theresa May a d'ores et déjà indiqué que le gouvernement britannique souhaitait s'orienter vers un accord "spécifique", différent des modèles existants jusqu'ici qui lient l'UE avec la Norvège, la Suisse ou encore le Canada. Les futurs partenaires du Royaume-Uni s'avanceraient donc en terrain totalement inconnu, pour une période qui risque de durer au moins deux ans, soit la durée maximale impartie aux négociations de sortie de l'UE.
Au sommet du G20, la Première ministre britannique a semblé préparer déjà le terrain pour ces futurs accords commerciaux, évoquant différentes options et assurant vouloir faire de son pays un "leader mondial du libre échange". Des pourparlers jugés prématurés par plusieurs des acteurs concernés, comme le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui fixe un Brexit officiel comme préalable à toute négociation.
D'autres pays semblent disposés à ouvrir les débats, comme l'Australie, dont le ministre du Commerce est attendu cette semaine à Londres pour des "discussions exploratoires sur le modèle d'un accord commercial". De son côté, Washington repousse toute signature avec le Royaume Uni à la fin des discussions sur le traité transatlantique de libre-échange avec l'UE (TTIP).
Un point d'accord : l'immigration
Seule certitude, sur l'immigration: finie la libre circulation des ressortissants européens. Les électeurs britanniques "voulaient que l'on soit capable de contrôler la circulation des personnes venant de l'Union européenne. Et c'est évidemment ce que je dis: plus de libre circulation comme dans le passé", a clairement affirmé Theresa May. Mais même sur les modalités de ce point d'accord, le suspense reste entier. La Première ministre a rejeté l'idée d'un système à points comparable à celui pratiqué par l'Australie, préconisé par son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, considérant qu'il n'était pas assez efficace en raison de son aspect automatique.
Si l'Union Européenne fait de la libre circulation des personnes une condition sine qua non à l'accès à son marché unique, le Royaume Uni en serait donc logiquement exclu et devrait négocier un nouveau type d'accord commercial avec le bloc. Interrogée à ce sujet, Theresa May n'a rien lâché, lundi.