Le parlement britannique a voté dans la nuit un projet de loi visant à abroger "l'European Communities Act" de 1972. Une première étape décisive dans le processus menant au Brexit.
La mise en oeuvre du Brexit a franchi une première étape législative au parlement britannique dans la nuit de lundi à mardi, avec l'approbation du projet de loi gouvernemental destiné à mettre fin à la suprématie du droit européen au Royaume-Uni.
326 voix pour le projet gouvernemental, 290 contre. Après plusieurs heures de débat, les députés de la chambre des Communes ont voté à 326 voix pour ce texte crucial dans le processus de sortie du pays de l'Union européenne, alors que 290 élus ont voté contre. Le projet de loi doit désormais être étudié dans le détail par la chambre des Communes en comité, étape au cours de laquelle sera livrée une bataille pour amender ce texte, qui fait polémique en raison de l'étendue des pouvoirs qu'il octroie à l'exécutif.
"Certitude et clarté avant notre retrait de l'Union européenne". "Le Parlement a pris la décision historique de soutenir la volonté du peuple britannique et de voter pour une loi qui apporte certitude et clarté avant notre retrait de l'Union européenne", s'est réjoui la Première ministre Theresa May dans un communiqué. Baptisé "Loi de (retrait de) l'Union européenne", le texte vise à abroger l'"European Communities Act" de 1972 qui avait marqué l'adhésion du Royaume-Uni à l'UE et introduit la primauté du droit communautaire sur le droit britannique.
12.000 règlements européens. Il doit transposer telles quelles ou amendées une grande partie des lois européennes dans le droit britannique, un travail titanesque au regard des quelque 12.000 règlements européens qui s'appliquent actuellement dans le pays. Concrètement, cette loi doit permettre au Royaume-Uni de continuer à fonctionner normalement lorsqu'il aura effectivement coupé le cordon avec l'UE, fin mars 2019 théoriquement, à l'issue du processus de négociation avec Bruxelles.
Une étape majeure. Son passage devant le Parlement constitue donc l'une des grandes étapes dans la mise en oeuvre du Brexit, après le référendum historique sur l'UE du 23 juin 2016 et l'activation, fin mars, de l'article 50 du traité de Lisbonne, qui a officiellement déclenché la procédure de divorce. Le ministre du Brexit, David Davis, avait mis en garde dimanche contre un vote de rejet qui équivaudrait à "une sortie chaotique de l'Union européenne". "Entreprises et particuliers doivent être rassurés sur le fait qu'il n'y aura pas de changement inattendu de nos lois" après la sortie du giron européen, avait-il insisté.
La méthode divise. Le projet de loi mécontente de nombreux députés, jusque dans les rangs conservateurs, non pas tellement en raison de leur opposition au Brexit, mais plutôt à cause de la méthode préconisée. Le gouvernement sollicite en effet des pouvoirs exceptionnels afin de procéder lui-même aux lourdes modifications nécessaires pour transposer le droit européen, en s'exonérant du plein contrôle du Parlement (dits "pouvoirs d'Henry VIII", qui s'apparentent aux ordonnances françaises).
"Coup de force". Impensable pour la majorité des députés travaillistes qui y voient un "coup de force", quelques uns d'entre eux s'étant cependant écartés des consignes de vote de leur parti pour se rallier au gouvernement. "Si je vote contre (...) ce soir, ce n'est pas parce que je vote contre le Brexit. (...) Je vote plutôt contre un Brexit mal géré, qui menace d'affaiblir davantage nos traditions démocratiques établies de longue date et durement acquises", a expliqué la députée travailliste Angela Smith. Contrairement au gouvernement, son parti veut maintenir le Royaume-Uni dans le marché unique européen pendant une période de transition post-Brexit.
"Failles sur le droit des travailleurs". Les prérogatives dont pourrait disposer l'exécutif inquiètent également les syndicats. "Il est ulcérant de voir un gouvernement qui a promis de protéger les droits des travailleurs présenter un projet de loi sur le retrait de l'UE truffé de failles sur les droits des travailleurs", avait dénoncé dimanche la secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, Frances O'Grady.