JOUR 4 - Italie, Grèce, Balkans... Pendant dix jours notre reporter parcourt l'Europe du Sud pour comprendre comment les habitants de ces pays vivent le déconfinement. Sa quatrième étape est en Italie, dans la province d'Udine, où les habitants attendent notamment la réouverture de la frontière avec la Slovénie, dans l'espoir d'une relance de l'activité.
>> Pendant dix jours notre reporter parcourt l'Europe du Sud pour comprendre comment nos voisins européens vivent leur déconfinement, la réouverture des frontières, l'approche des vacances, mais aussi prendre le pouls de l’économie locale. Un voyage de l'Italie jusqu'à la Grèce, en passant par les Balkans et la côte Adriatique. Après Vintimille, Milan et Venise, pour la quatrième étape de son "tour du déconfinement" européen, Jean-Sébastien Soldaïni s'est arrêté à Palmanova, non loin de la Slovénie, une forteresse construite à La Renaissance et qui dépend largement des touristes qu'attire Venise, à une centaine de kilomètres plus à l'ouest.
La forteresse oubliée
Après avoir quitté Venise, je me dirige vers la petite ville de Palmanova, au nord-est de l’Italie. Je n’ai jamais entendu parler de cet endroit. Le nom m’inspire et elle est bien située, à un carrefour autoroutier, ce qui est pratique pour rayonner dans la région. Surprise à l’arrivée : la ville est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’une forteresse circulaire derrière laquelle de petits immeubles sont soigneusement alignés. De sa place centrale partent de grandes avenues qui divisent parfaitement le disque que dessine la cité lorsque Palmanova est vue du ciel.
La place centrale me paraît surdimensionnée par rapport au reste de la ville. Et comme Saint-Marc à Venise la veille, elle est quasi déserte. Je pars à la recherche d’un "personnage" : un notable, un ancien, bref une personnalité un peu décalée qui pourrait me raconter comment il/elle a traversé ces trois mois de confinement.
Le premier café ne donne rien, le personnel se méfie un peu lorsque je dis que je suis journaliste. Mais les clients du second troquet sont beaucoup plus bavards. Amusés même par ma demande. L’un d’eux est un ancien légionnaire français ayant servi six ans au 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi. Il me conseille d’aller voir un certain "Nereo" : "Il connaît toute l’Italie", s’amuse-t-il. "Va le voir, c’est de l’autre côté de la place !"
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"Ce confinement n'épargnera personne"
Je traverse le vaste cercle de gravier en contemplant la cathédrale de marbre où se niche un Lion vénitien, signe que ce sont les Doges qui l’ont faite construire. Au fond de son restaurant-bar-pâtisserie, "Nereo" termine son repas et vient s’installer à ma table. Derrière lui, sur les étagères, s’étalent les meilleurs whiskies. Il rappelle fièrement que son établissement "a été élu meilleur bar d’Italie il y a deux ans" et que "depuis, il se maintient dans les dix meilleurs". Étrange de voir ce lieu au beau milieu d’un site historique. Dans la vitrine, des pâtisseries haut-de-gamme s'exposent comme des œuvres d'art. Le style épuré de la partie restaurant tranche avec l'ambiance Venise 17e siècle du reste de la place.
A priori bien installé, Nereo dit avoir "traversé le confinement avec angoisse". Alors, il reste prudent et philosophe : "Il faut de la patience. Comme des gouttes. Des gouttes qui tombent et qui doivent remplir un grand vase. Il faut du temps, mais c'est sûr qu'une goutte après l'autre, le vase se remplira pour revenir à une situation normale."
L'établissement de Nereo a été élu meilleur bar d'Italie en 2018. © Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.
Sa veste blanche de cuisine est impeccable. Il faut bien ça pour une table réputée. Mais il pense que le chic des lieux peut-être un handicap pour relancer son activité. Trop cher pour des Italiens exsangues : "Ce confinement n'épargnera personne. Les bars connus comme ceux qui le sont moins. Tout le monde souffre. Sans le moindre doute." Il n'est pas à plaindre mais sa crainte est celle d'un isolement qui dure et qui s’installe. Il y a encore de la "peur" dit-il. Comme si la "chose" n’était pas encore passée. Venise est à 100 kilomètres et ce n'est une priorité pour personne de se rendre en visite jusqu'à la frontière Slovène.
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Face à la Slovénie, une frontière poreuse
La frontière, c’est justement là que je me rends. A Gorizia ou Nova Gorica selon que l’on se trouve en Italie ou en Slovénie. Deux noms pour une même ville traversée par la limite entre les deux pays. La situation est peut-être l’occasion d’illustrer le fait que les barrières sont encore un peu présentes et que la libre circulation n’est pas aussi aisée.
La frontière italo-slovène traverse la ville de Gorizia. © Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.
Les inquiétudes quant aux conséquences économiques de la crise sanitaire n'empêche pas les Italiens de reprendre, peu à peu, leurs habitudes après avoir été très durement touchés par le Covid-19. Comme ici, à Gorizia, où un groupe de retraité s'est réuni à l'heure de l'apéro. © Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.
En face d’un point de passage situé sur une place en plein centre, un groupe de messieurs âgés prend l’apéro. Leur décor est une vielle bâtisse de briques rouges, datant sûrement de l’époque yougoslave. L’un des hommes attablés est Italien, marié à une Slovène. Il m’assure que malgré le poste frontière fermé, il peut faire le va-et-vient entre les deux pays. "Il faut avoir une bonne raison, mais ça passe…" D’autant que les deux autres postes, situés à quelques kilomètres sont bien ouverts. Et, si seul l’accès du centre-ville est fermé, c’est pour éviter d’avoir à disposer des douaniers tous les deux-cents mètres.
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