"La République catalane a vaincu la monarchie de l'article 155." Jeudi soir, depuis Bruxelles où il s'est exilé, l'ancien président catalan Carles Puigdemont a salué le résultat du scrutin des élections anticipées de sa région. Les différents partis nationalistes ont en effet remporté 70 sièges sur 135, gardant leur majorité au Parlement catalan. Le Parti populaire du Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, essuie quant à lui une cuisante défaite en ne sauvant que trois députés. Pour les indépendantistes, l'enjeu est désormais de faire fructifier leur victoire et sortir la Catalogne de la crise institutionnelle dans laquelle elle est plongée depuis trois mois.
À la recherche d'une coalition. Pour ce faire, ils doivent d'abord constituer une coalition en bonne et due forme entre les partis Ensemble pour la Catalogne, ERC et la CUP. Logiquement, c'est Carles Puigdemont qui devrait en prendre la tête, lors de la constitution du Parlement catalan à la fin du mois prochain, puisqu'il mène la liste Ensemble pour la Catalogne, qui a obtenu le plus de sièges. Mais sa situation est très compliquée puisque le leader indépendantiste destitué est exilé, et poursuivi pour "rébellion, sédition et détournement de fonds public". S'il rentre, il s'expose donc à une arrestation, qui lui fera rejoindre les autres députés déjà incarcérés. Or, le calendrier judiciaire n'est pas encore connu. La priorité des indépendantistes est donc d'abord de négocier leur libération.
La balle dans le camp de Madrid. Pour l'instant, Carles Puigdemont a décidé de laisser à Madrid l'initiative. "Ou Rajoy change de recette, ou nous changeons de pays", a-t-il déclaré. Ce qui sous-entend aussi qu'une prise d'indépendance à la hussarde n'est pas à l'ordre du jour. De fait, les indépendantistes savent bien qu'en recueillant 47,5% des voix, lors d'un scrutin qui a massivement mobilisé les électeurs -82% de participation-, ils ont certes la majorité, obtenue grâce à un système de pondération, mais pas non plus une assise populaire suffisamment large pour faire sécession. Le parti de centre droit Ciudadanos, anti-indépendance, a recueilli un quart des suffrages, sortant en tête. Et son président, Albert Rivera, a lui aussi renvoyé la balle dans le camp de Mariano Rajoy : "L'Espagne doit avoir un projet d'avenir qui enthousiasme tous les Espagnols."
" Ou Rajoy change de recette, ou nous changeons de pays. "
Rajoy s'entête. "Je suis prêt à rencontrer Mariano Rajoy", a lancé Carles Puigdemont vendredi en signe de bonne volonté, suggérant que les retrouvailles se déroulent "à Bruxelles ou dans un autre endroit de l'Union européenne, mais pas en Espagne". Mais le Premier ministre, lui, a signifié qu'il ne s'assiérait "à une table de négociations [qu']avec celle qui a gagné les élections, [Ines] Arrimadas", la leader de Ciudadanos en Catalogne. Le dialogue semble, une fois de plus, difficile à renouer.
Pas d'élections anticipées. Mariano Rajoy a également exclu de convoquer des élections nationales anticipées, en dépit du fait qu'il soit désormais à la tête d'un gouvernement minoritaire. Le Premier ministre s'est placé dans une position attentiste, espérant en réalité que les divergences au sein des différentes formations indépendantistes les empêchent de s'allier et de former un gouvernement catalan. Reste à savoir, si cela ne se produit pas et que les indépendantistes arrivent bel et bien au pouvoir dans la région, les concessions que Mariano Rajoy sera prêt à faire pour contenter la Catalogne. Accepter un nouveau référendum semble peu probable, tant le résultat, dans un sens comme dans l'autre, serait risqué. Par ailleurs, la Constitution l'interdit toujours.
C'est donc sur l'attribution de nouvelles prérogatives à la Catalogne que les discussions vont porter. Mariano Rajoy, et derrière lui le Parti populaire, ne veulent pas entendre parler de plus que quelques mesures symboliques. Mais avec un Premier ministre si fragilisé, et forts de leur victoire, les indépendantistes espèrent bien obtenir plus que prévu.