Le Royaume-Uni a voté pour sa sortie de l’Union européenne. Tout le Royaume-Uni ? Pas vraiment. Si le camp du "out" l’a emporté, avec 51,9% des suffrages, le vote met en lumière de nombreuses divisions au sein du pays.
L’Angleterre nettement pour une sortie. L'Angleterre a très majoritairement voté pour une sortie de l'Union européenne, à 53,4%. Le nord et le sud-est, où le discours sur l'immigration a porté, ont particulièrement tiré ces résultats vers le haut. Les chiffres de Sunderland, dans le nord-est, parmi les premiers connus, ont par exemple montré un soutien de 61,3% pour le Brexit. Ils ont été suivis par une série de votes pour le "Leave" (sortir) à travers le nord de l'Angleterre, dont Sheffield qui était pourtant pressenti favorable au Remain (rester). Birmingham, la deuxième ville du pays, s'est également prononcée de justesse pour un Brexit. La majorité des campagnes et des stations balnéaires ont également dit "no" à l’Union européenne.
Le Pays de Galles divisé, mais majoritairement pour la sortie. Le Pays de Galles a majoritairement soutenu une sortie de l'UE, le "out" réunissant 52,2% des suffrages. Mais ce vote cache plusieurs disparités : la capitale, Cardiff, a voté pour rester avec 60% des voix, tout comme l’ouest du pays. Les régions frontalières à l’Angleterre ont en revanche voté comme leurs voisins.
Londres était largement contre. Ville-monde cosmopolite de 8,6 millions d'habitants, la capitale britannique a majoritairement voté en faveur d'un maintien dans l'UE, à environ 60%. Cœur financier et économique du Royaume-Uni, la ville voyait l'appartenance à l'UE comme un avantage pour faire des affaires et circuler librement à travers l'Europe. "Le référendum a montré l'écart social et culturel entre Londres et la province anglaise. Une Grande-Bretagne cosmopolite et sociale-libérale a été battue par une partie plus conservatrice et très inquiète face à l'immigration", a déclaré l'analyste politique John Curtice à la BBC.
L’Ecosse, l’Irlande du nord et Gibraltar, aussi. L'europhile Ecosse, comme attendu, a soutenu le maintien à 62% contre 38%. Et comme attendu aussi, le pays se positionne déjà pour réclamer un nouveau référendum d'indépendance. La Première ministre de l'Ecosse, Nicola Sturgeon, a déclaré dès l'aube vendredi que l'Ecosse voyait "son avenir au sein de l'Union européenne".
L'Irlande du Nord a elle aussi voté le maintien dans l'UE, à 56%. Le Sinn Fein, ex-vitrine politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), a aussitôt appelé à un référendum sur une Irlande unifiée après le vote des Britanniques favorable au Brexit. Le parti républicain a souligné que le référendum sur l'UE avait des "conséquences énormes sur la nature de l'Etat britannique" sachant que l'Ecosse et l'Irlande du Nord ont voté pour un maintien au sein de l'UE.
Gibraltar, l'enclave britannique au sud de l'Espagne, qui craint d'être isolée du reste du continent et dont l'économie dépend très largement de ses relations avec l'UE, a voté à plus de 95% pour le maintien dans l'Union.
Une fracture générationnelle. Le référendum a également mis en lumière le fossé qui sépare les générations sur la question européenne. Selon les derniers calculs de l’institut de sondage YouGov, 66% des 18-24 ans se sont en effet prononcés pour le maintien. Même chez les 25-49 ans, la tendance semblait être au "in" : ils seraient 52% à avoir voté pour le maintien dans l’Union, selon l’institut. A l’inverse, 58% des 50-64 ans et 62% des plus de 65 ans auraient voté pour la sortie du Royaume-Uni. Les villes avec de forts pôles universitaires se sont d’ailleurs massivement prononcées pour le "in", à l’image de Cambridge, Oxford, York, Liverpool, Manchester ou encore Bristol. "L'un des messages des sondages a été que les diplômés avaient bien plus envie de rester que ceux avec peu ou pas de qualifications", complète le spécialiste des sondages John Curtice.
Zones rurales contre zones urbaines. "Le référendum a aussi montré l'écart social et culturel entre Londres et la province anglaise", selon John Curtice. Les résultats ont en effet confirmé un euroscepticisme marqué dans le nord désindustrialisé de l'Angleterre, ex-bastion travailliste, et dans les zones rurales de l'est qui ont connu un afflux important d'immigrés en provenance d'Europe de l'est ces dernières années. Le discours promettant de mettre un frein à ces arrivées, accusées d'entretenir une crise du logement et du service de santé britannique, semble y avoir particulièrement porté.
Selon le quotidien en ligne The Independent, les résultats montrent, enfin, "un gouffre entre les classes urbaines libérales et les classes ouvrières sur la question de l'immigration, entre ceux qui se sortent bien de la mondialisation et les laissés-pour-compte qui n'en voient pas les bénéfices, ni en terme d'emploi, ni en terme de salaires". "Le fossé est aussi entre la classe politique et les électeurs qui ont profité de la perche que leur a très imprudemment tendu (le Premier ministre David) Cameron pour taper sur l'élite dirigeante", a ajouté le journal, selon qui le camp du Brexit a "intelligemment exploité" le ressentiment populaire pour présenter le vote comme un référendum anti-establishment.