L’élection de Donald Trump, dans la nuit de mardi à mercredi, n’est pas la première grosse surprise d’une élection outre-Atlantique. D'autres avant lui ont accédé au poste de l'"homme le plus puissant de la planète" en déjouant les pronostics ou à la faveur de circonstance particulières.
- Truman, l’exemple ultime
Harry Truman, c’est un peu l’histoire de l’homme au bon endroit au bon moment. L’homme a été nommé vice-président de Franklin Roosevelt pour son quatrième mandat, qui débuta en janvier 1945. 82 jours après, l’emblématique président de la République décède, et c’est son discret second qui lui succède, en avril 1945. Il doit gérer la fin de la guerre et une situation économique précaire.
En 1948, quand il prépare sa réélection, tous les sondages le donnent perdant, et largement en plus. Mais Harry Truman décide de sillonner le pays, et suscite l’enthousiasme grâce à ses discours enflammés, souvent prononcés devant une foule nombreuse. Qu’importe. Médias et sondeurs passent à côté de son sursaut, et se bornent à donner son adversaire républicain Thomas Dewey vainqueur, jusqu’au jour du scrutin. Le Chicago Tribune, pousse l’imprudence jusqu’à publier dans sa première édition un journal indiquant sur sa Une : "Dewey defats Truman" ("Dewey bat Truman").
La photo d’Harry Truman, tout sourire, brandissant la Une du quotidien, est désormais l’une des plus célèbres de l’histoire politique américaine. Car c’est bien Harry Truman qui l’emporte au final, avec 303 grands électeurs, contre 189 pour son adversaire. Le cas Truman sera convoqué ensuite à plusieurs reprises par des candidats à la traîne dans les sondages, pour entretenir l’espoir. Mais aucun, finalement, ne l’emportât. Jusqu’à un certain Donald Trump.
Truman celebrates comeback victory & Chicago Tribune’s mistake, today 1948: #NARApic.twitter.com/pHkcOGXEmu
— Michael Beschloss (@BeschlossDC) 3 novembre 2016
- Gérald Ford, le président jamais élu
Gérald Ford fut président des Etats-Unis entre le 9 août 1974 et le 20 janvier 1977. Soit pendant 2 ans, 5 mois et 11 jours. Et pourtant, il n’a jamais remporté une élection présidentielle, ni comme candidat, ni comme co-listier. Son destin présidentiel, il le doit en fait aux déboires judiciaires de certains de ses camarades républicains. Le 10 octobre 1973, le vice-président Spiro Agnew est contraint à la démission pour une sombre affaire de corruption financière. Gérald Ford est nommé à sa place par le président Richard Nixon. Mais le 8 août 1974, c’est au tour de l’hôte de la Maison-Blanche de quitter ses fonctions à la suite du scandale du Watergate. Un peu par défaut donc, Gérald Ford devient le 37ème président des Etats-Unis. En 1976, il tente, enfin, de l’emporter dans les urne, mais il est battu par Jimmy Carter.
- Jimmy Carter, monsieur 4%
Quand Jimmy Carter, modeste gouverneur de Géorgie de 1973 à 1975, se présente aux primaires démocrates en vue de l’élection de 1976, il bénéficie d’une très faible notoriété au plan national. Son principal fait d’armes est d’avoir, dans un Etat du sud, lutté contre la ségrégation raciale. Selon les sondages, 4% des électeurs démocrates seulement assurent qu’ils voteront pour lui. Mais au fil des mois, il parvient à émerger de la multitude de candidats démocrates et est finalement désigné à la surprise générale.
Face au président sortant Gérald Ford, qui paye deux ans après les répliques du scandale du Watergate, Jimmy Carter part avec une avance confortable dans les sondages, mais plusieurs erreurs stratégiques, dont la promesse d’amnistier les déserteurs de la guerre du Vietnam, et une prestation ratée lors du premier débat télévisé, renversent la tendance. Le 3 novembre, il est malgré tout élu président, avec moins d’Etats que son adversaire, mais avec plus de grands électeurs.
Battu en 1980 par Ronald Reagan, Jimmy Carter reste toutefois très actif. A la tête de la Fondation Carter, il sillonne le monde, se donnant pour mission de désamorcer les conflits potentiels et de participer au développement des pays les plus pauvres, notamment africains. Il se rend même à Cuba en 2002 lors d'une visite historique. Cette même année, son action est récompensée du prix Nobel de la Paix.
- George W. Bush : la réélection surprise
La réélection de George W. Bush en 2004 n’a rien d’une évidence. Les attentats du 11-Septembre sont passés par là, l’occupation de l’Irak s’enlise, le Patriot Act est décrié, et, surtout, son adversaire démocrate, John Kerry, a bénéficié d’une énorme couverture médiatique lors des primaires. En effet, puisque la candidature du président sortant allait de soi au sein du Grand Old Party, l’attention s’est focalisée uniquement sur le camp adverse. En outre, les sondages donnent le candidat démocrate vainqueur des trois débats télévisés organisés pendant la campagne. Enfin, la plupart des grands quotidiens nationaux penchent pour l’adversaire du président sortant.
Si les sondages sont restés serrés, le jour du vote, la participation semble en nette hausse, au vu des longues files d’attente qui se forment devant les bureaux de vote. Une bonne nouvelle pour John Kerry, analysent les observateurs. Puis les premières sondages sortis des urnes donnent là aussi le candidat démocrate vainqueur dans les Etats-clés, tels que la Floride, l’Ohio ou la Pennsylvanie. Il perdra finalement les deux premiers. Car au fil de la soirée, les bonnes nouvelles s’enchaînent pour le président sortant. Et celui qui s’était imposé de justesse en 2000 face à Al Gore, avec moins de voix mais plus de grands électeurs, est cette fois réélu avec une avance confortable. Faisant ainsi mentir tous les scénarios envisagés.