Le ton monte entre la Chine et les Philippines. Et ce n’est pas la première fois. La Cour permanente d'arbitrage de La Haye a publié, mardi, une décision accablante pour Pékin dans le différend territorial qui l'oppose de longue date à Manille.
Les hostilités ont débuté dans les années 1970 lorsque Pékin, se basant sur neuf pointillés apparus sur des cartes chinoises des années 1940, a réclamé la propriété de la mer de Chine méridionale.
Quel est le problème ?
La Chine considère comme territoire national la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale. Il s’agit d’un espace de plus de trois millions de kilomètres carrés, cernés par le sud de la Chine, Taïwan, les Philippines, l'île de Bornéo et le Sud-Est asiatique continental. Ses prétentions sont donc en contradiction avec celles des Philippines, mais aussi avec Taïwan, le Vietnam, la Malaisie et Brunei.
Mais cela n’a pas empêché Pékin de prendre le contrôle, en 1974, des îles Paracels, qui étaient occupées par le Sud-Vietnam, alors que les Etats-Unis se retiraient du Vietnam. Depuis 2012, la Chine contrôle aussi le récif poissonneux de Scarborough, à environ 230 kilomètres de la principale île philippine de Luzon. Et elle occupe au moins sept des îles Spratley, également situées dans la zone.
La Chine a mené dans les Spratleys d'énormes travaux de dragage et de remblaiement pour créer des îles artificielles. D'après le Pentagone, Pékin a créé 1.295 hectares de terres, sur lesquels elle a construit des infrastructures comme des systèmes radars et des pistes d'atterrissage capables d'accueillir de gros avions militaires comme de ligne.
Pourquoi la Chine veut-elle à tout prix posséder cette zone ?
Il s'agit de la principale liaison maritime entre les océans Pacifique et Indien, ce qui lui donne une énorme valeur économique et militaire. Ses autoroutes de fret maritime permettent de connecter l'Asie orientale avec l'Europe et le Moyen-Orient. Plus de 4.500 milliards d'euros annuels de fret y transitent.
De plus, cette mer recèlerait d'importants gisements d'hydrocarbures. Elle abrite également des récifs coralliens parmi les plus grands du monde. Comme les ressources de pêche s'épuisent le long des côtes, cette mer est une source importante de poisson pour des populations en expansion.
Que dit le tribunal international ?
Sur tous les pays en conflit avec la Chine dans cette zone, seules les Philippines ont, pour le moment, saisi la Cour permanente d'arbitrage (CPA). Le Vietnam et l'Indonésie disent, quant à eux, envisager une procédure légale.
Dans sa décision rendue en début de semaine, la CPA reconnaît que si des pêcheurs et navigateurs chinois ont utilisé "historiquement" les îles de la région, il n’existe en revanche, "aucune preuve que la Chine a, historiquement, exercé un contrôle exclusif sur les eaux et leurs ressources".
De plus, la Cour reproche à Pékin d’avoir porté atteinte à l'environnement. Les activités de "réclamation de la terre à grande échelle et de construction d'îles artificielles" de la Chine ont "causé des dommages graves aux récifs coralliens". Pékin a "manqué à ses obligations de préserver et protéger les écosystèmes délicats ainsi que l'habitat des espèces en régression, menacées ou en voie d'extinction".
La Chine va-t-elle se soumettre à la décision de la Cour de La Haye ?
Selon les premières réactions, Pékin ne semble pas décidé à renoncer à ses territoires. La Chine a fait savoir, mercredi, qu'elle prendrait toutes les mesures nécessaires pour protéger ce qu'elle considère être sa souveraineté en mer de Chine du Sud. Elle a aussi annoncé avoir le droit d'y aménager une zone de défense aérienne.
Le conflit pourrait donc s’envenimer, comme cela a déjà été le cas par le passé. En 1974, une cinquantaine de soldats vietnamiens avaient été tués lors d'affrontements entre forces chinoises et la marine du Sud-Vietnam. En 1998, une bataille navale sur le récif de Johnson dans les Spratleys avait fait environ 70 morts côté vietnamien. Et des bâtiments chinois ont parfois tiré sur les bateaux de pêche vietnamiens dans le secteur. Un nouveau conflit pourrait donc éclater entre les deux pays, mais aussi avec les Philippines.