Changement climatique: les géants pétroliers savaient depuis «au moins» les années 1960, selon un rapport

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avec AFP // Crédits photo : , modifié à

Selon un rapport de parlementaires américains publié mardi 30 avril, les principaux géants mondiaux du pétrole et du gaz savaient depuis "au moins" les années 1960 que les énergies fossiles allaient entraîner un réchauffement de la planète mais ont continué à le nier et même pratiqué la désinformation.

Les principaux géants mondiaux du pétrole et du gaz savaient depuis "au moins" les années 1960 que les énergies fossiles allaient entraîner un réchauffement de la planète mais ils ont persisté à le nier et même pratiqué la désinformation, selon un rapport de parlementaires américains. "Pendant plus d'un demi-siècle, les 'Big Oil' ont trompé le public américain au sujet de leur rôle dans la crise climatique, en faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour que les Etats-Unis et le monde entier restent dépendants de leurs produits polluants", dénonce le rapport d'une commission d'enquête d'élus démocrates de la Chambre des représentants, publié mardi.

Obstruction et retard

Les "Big Oil" sont les six géants et organismes passés au crible pendant cette enquête lancée en septembre 2021: ExxonMobil , Chevron, BP America, Shell, l'American Petroleum Institute (API) - représentant du secteur pétrolier - et la Chambre de commerce. "Tous les six […] ont fait obstruction et retardé" cette enquête en refusant de se soumettre "malgré des assignations", souligne le rapport de 65 pages intitulé "Dénégation, désinformation, et double langage: évolution des efforts des 'Big Oil' pour esquiver la responsabilité du changement climatique".

Après avoir qualifié le changement climatique de "canular" et avoir nié son existence même, relève le rapport, le secteur pétrolier a été contraint de "changer de posture" face à la science "qui devenait trop écrasante pour continuer à nier". Ils ont alors, poursuit-il, "élaboré une campagne de tromperie et de double langage - soutenu par une armada d'organismes professionnels - en affirmant publiquement soutenir l'action pour le climat mais en effectuant des actions en coulisses pour l'éviter". Et aussi, indiquent les élus, en affirmant que le gaz naturel était "sûr" pour le climat et qu'il pourrait servir "d'énergie de transition vers un avenir sans énergie fossile". 

Besoin de responsabiliser

"Il est plus que temps de placer les 'Big Oil' devant leurs responsabilités pour leur campagne de tromperie et de prendre des actions pour remédier aux dégâts qu'ils ont causé", conclut le rapport. Il s'agit "de vieilles allégations qui ont déjà été abordées lors d'auditions au Congrès sur ce sujet et lors de poursuites en justice", a réagi ExxonMobil auprès de l'AFP.

"Comme nous l'avons répété à maintes reprises, le changement climatique est réel et une branche entière de notre groupe est dédiée à la réduction des émissions - les nôtres et celles des autres", a-t-il poursuivi, affirmant que son budget annuel représentait le tiers de celui de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). 

De son côté, un porte-parole de l'API a relevé que le secteur se "concentrait sur la fourniture fiable et à prix abordable de pétrole et de gaz aux Américains tout en développant la prochaine génération de technologies à basses émissions comme l'hydrogène et la captation de CO2". "Toute suggestion du contraire est inexacte", a-t-il affirmé.

Déjà dénoncés

Ce n'est en effet pas la première fois qu'il ressort que les groupes pétroliers connaissaient depuis plusieurs décennies l'effet néfaste des énergies fossiles sur le climat. Le sujet a été abordé lors d'auditions menées par cette commission parlementaire, devant laquelle les majors pétrolières avaient notamment été passées au gril.

En janvier 2023, une étude publiée dans la revue Science a révélé la justesse remarquable des prédictions des scientifiques d'ExxonMobil en terme de hausse des températures, certaines remontant à 1977. Mais, en 2000, le PDG du groupe Lee Raymond affirmait ne pas avoir "une compréhension scientifique suffisante du changement climatique pour faire des prédictions raisonnables." Plusieurs procédures en justice ont déjà été lancées, notamment contre l'entreprise aux Etats-Unis.