La Corée du Nord est passée au niveau supérieur des provocations en testant dimanche une puissante bombe à hydrogène. La communauté internationale a vivement réagi et de nouvelles sanctions pourraient bientôt être imposées à Pyongyang. Donald Trump réfléchit par exemple à couper les vivres indirectement à la Corée du Nord, en faisant pression sur ses partenaires. "Les États-Unis envisagent, en plus des autres options, de stopper tout commerce avec les pays qui font des affaires avec la Corée du Nord", a tweeté le président américain, dimanche. Une déclaration étonnante, tant le pays dirigé par Kim Jong-un est isolé sur les plans diplomatique et économique. Et pourtant, une soixantaine de pays, tout de même, commercent encore avec la Corée du Nord. Au premier rang desquels la Chine, évidemment, mais aussi l’Inde, la Russie et… la France.
La France vend un peu… Selon les douanes françaises, la Corée du Nord a acheté pour deux millions d’euros de bien fabriqués en France, en 2016. Dans les conteneurs français débarqués à Pyongyang, on trouve du matériel médical (des appareils à rayons X notamment), des pesticides, des médicaments, des matières premières (malt, sucre), de l’alcool, des réfrigérateurs, des meubles, etc. Globalement, ce sont des produits destinés à la population, privée de beaucoup de choses de première nécessité par le régime dictatorial de Kim Jong-un.
… et achète "beaucoup". Dans l’autre sens, la France a acheté pour dix millions d’euros de produits nord-coréens, l’an dernier. Parmi eux, des engins mécaniques (machines d’excavation, chariots élévateurs), des plastiques, du caoutchouc, des minerais, des crustacés et un peu de textile. Un panier plutôt éclectique qui fait de la France le premier partenaire européen de la Corée du Nord. Et si on fait le calcul, on s’aperçoit que Paris présente un déficit commercial avec Pyongyang de huit millions d’euros, autrement dit pas grand chose. En effet, il faut tout de même relativiser ces chiffres. La Corée du Nord n’est que notre 153ème fournisseur (0,002% de nos importations) et notre 200ème client (0,004% de nos exportations).
La Chine, indispensable partenaire. L’exemple de la France, aussi surprenant soit-il, n’est pas représentatif, par sa place marginale, du commerce extérieur nord-coréen. Or, c’est un secteur non négligeable dans l’économie du pays. Les importations et les exportations représentent respectivement 12% et 10% du PIB de la Corée du Nord. Pas mal pour un pays "en quarantaine". Parmi tous ses partenaires, la Chine fait office de mastodonte. Pékin représentait, en 2015, 83% des exportations et 85% des importations nord-coréennes.
Là encore, le détail des échanges, fourni par l’Observatoire de la complexité économique, est intéressant. Les importations chinoises sont polarisées par quelques produits : minerais, vêtements, crustacés et surtout des briquettes de charbon qui, à elles seules, comptent pour 40% du total. Au contraire, la Corée du Nord fait venir de Chine énormément de produits différents. Les fils de tissus, premier poste d’importation, ne représentent que 4,7% du total. Pêle-mêle, la Chine envoie à Pyongyang des matières premières pour l’industrie textile, des équipements électroniques, du pétrole, de la nourriture, des véhicules…
Trump met la pression sur la Chine. La vie quotidienne en Corée du Nord dépend donc énormément des produits fournis par la Chine. Donald Trump et ses conseillers le savent forcément. Au premier degré, le tweet du président américain peut paraître insensé puisqu’il induit que les États-Unis pourraient restreindre leurs relations commerciales avec la Chine, au motif qu’elle est un partenaire de la Corée du Nord. En réalité, Donald Trump fait pression sur la Chine pour qu’elle cesse d’alimenter Pyongyang. Ce que le président Xi Jinping s’est pour l’instant refusé à faire. Mais l’essai nucléaire de dimanche pourrait changer la donne.
Des échanges partout dans le monde. Les autres partenaires économiques du régime de Kim Jong-un sont également visés par la menace américaine et y seront peut-être plus sensibles. Globalement, la quasi-totalité des échanges commerciaux de la Corée du Nord se font en Asie. Derrière la Chine, l’Inde est le deuxième partenaire de Pyongyang. Elle y envoie des sculptures, des produits chimiques et des denrées alimentaires et achète en retour du minerai d’argent et des pièces de machine. Le Pakistan, la Thaïlande échangent également l’équivalent de dizaines de millions d’euros avec Pyongyang.
Proximité géographique oblige, la Russie est aussi un partenaire important pour la Corée du Nord, mais surtout en tant que fournisseur. Briquettes de charbon, pétrole, blé et bois traversent régulièrement la frontière russe en direction de Pyongyang. En Europe, l’Allemagne expédie des médicaments et des denrées alimentaires, l’Ukraine envoie des hélicoptères, la Suisse livre du lait, etc. Sans surprise, les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud n’ont que peu de relations commerciales avec la Corée du Nord, avec l’exception notable du Burkina Faso qui importe une belle quantité de pétrole raffiné. Autant de pays qui vont peut-être devoir reconsidérer leur stratégie économique car entre le États-Unis et la Corée du Nord, le choix économique est vite fait.