C'est un message adressé au monde entier que le pape François a lancé dans son encyclique consacrée au climat et publiée jeudi. Dans cette "lettre", théoriquement à destination des croyants mais cette fois élargie "à tous", le souverain pontife réclame une révolution climatique et appelle les puissants à changer. "L'humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre le réchauffement", affirme ainsi le pape dans l'encyclique Laudato Si'.
Le président François Hollande, qui doit accueillir la conférence pour le climat à Paris à la fin de l'année, avait poussé pour obtenir l'aide du pape sur ce dossier difficile. Par trois fois, son conseiller spécial Nicolas Hulot s'était rendu au Vatican en 2014. Face aux difficultés qui s'annoncent pour obtenir un accord en décembre 2015, la parole du pape peut-elle peser dans la balance pour les 1,2 milliard de catholiques sur Terre ?
Les catholiques font ce qu'ils veulent. La question est épineuse, estime auprès d'Europe 1 Christophe Dickès, historien et journaliste, spécialiste du catholicisme. Comment mesurer si les appels à la paix ont pu pousser un dirigeant à éviter une guerre ? Et puis, l'encyclique - celle sur le climat comme toutes les autres - ne professe pas un nouveau dogme. Après Laudato Si', les catholiques ne sont donc pas tenus de croire à la responsabilité humaine du réchauffement climatique comme ils croient à l'Immaculée conception. Ce document de 192 pages, indique Christophe Dickès, "est un enseignement : on peut choisir de le recevoir ou non".
Mais avec une population catholique estimée à 1/6e de l'humanité, "on peut espérer une influence" de la position papale dans tous les pays à forte communauté catholique. Le Brésil, notamment, compte parmi les Etats très catholiques et rechigne jusqu'ici à s'engager sur le long terme sur la décarbonisation.
Pour autant, les premiers auxquels s'adresse François sont les pays riches, à l'industrialisation ancienne, également principaux coupables de l'état alarmiste de la planète. "Il demande aux pays industrialisées et riches de prendre leur part de responsabilité", analyse Christophe Dickès. Problème : l'Allemagne et la France (aux côtés d'autres pays riches) font déjà partie des plus engagés.
François ne fait pas taire les débats. Quant aux Etats-Unis – et ses 25% de catholiques, l'encyclique du pape pourrait bien être contre-productive. Avec son ton vindicatif et en insistant sur l'origine humaine du réchauffement climatique, le pape a froissé aussi bien les plus libéraux, qui considèrent sa position "marxiste", que les virulents climatosceptiques, qui refusent de croire que l'homme est bien derrière les degrés supplémentaires des océans. Pour autant, nuance le spécialiste du Vatican, "dans le monde catholique, les climatosceptiques vont être globalement moins considérés, dans le mesure où 'le chef' a publié un tel texte". Mais "l'Eglise est plurielle", rappelle-t-il, "et l'encyclique ne va pas faire taire les débats". Insuffisant, donc, pour sauver la COP21.
Pape vs. realpolitik. Face aux pays riches, le pape prend de toute manière partie pour les pays pauvres. Au risque d'alimenter les tensions entre les deux camps avant le grand raout de la fin d'année ? Pour le spécialiste du catholicisme, le pape n'a pas vocation à faire dans la realpolitik : "Il donne une étoile idéal vers laquelle il veut tendre".
Attention pour autant à ne pas prendre le pape François pour un utopiste : "Il sait que ce discours a des limites mais son devoir est de sensibiliser", continue l'historien. "En remettant en cause le capitalisme à l’échelle de la planète, le chef de l'Eglise sait qu'il se bat contre une montagne immense". Mais le Vatican n'est pas réputé pour son court-termisme. Et pour Christophe Dickès, "si, bien plus tard, les idées écologistes prennent le dessus, on pourra dire que François a été un des précurseurs".