Pour la première fois en plus d'un demi-siècle de conflit armé, la Colombie renouvelle son Parlement dimanche sans la menace des ex-rebelles Farc, dont certains sont candidats, et à la faveur d'un cessez-le-feu temporaire de l'ELN, dernière guérilla du pays.
Une élection sans pression armée. Les Farc sont désormais un parti sous le nom de la Force alternative révolutionnaire commune. Avec l'accord de paix historique de 2016, la plus puissante guérilla d'Amérique a quitté la jungle pour l'arène politique. Et bien que des pourparlers engagés avec l'Armée de libération nationale (ELN) soient au point mort, cette rébellion, apparue aussi en 1964, a annoncé une trêve unilatérale à l'occasion du scrutin.
Un risque pour la survie de la gauche. Dans un pays où l'abstention avoisine les 60%, ces législatives sont déterminantes pour la paix et pour la survie de la gauche. Elles pourraient être l'antichambre du retour de la droite dure, qui agite le spectre de la crise vénézuélienne et du "castro-chavisme", en promettant de modifier l'accord de paix.
Après huit ans d'un gouvernement de centre-droit et d'un Parlement qui ont conclu la paix avec l'ex-guérilla communiste, la droite la plus opposée à cet accord pourrait prendre le contrôle du Congrès. La gauche, divisée et fuyant toute alliance avec la Farc, devrait seulement maintenir sa représentation actuelle.
Dix sièges acquis. L'accord de paix établit un système de justice spécial qui devrait être opérationnel cette année et garantit à la Farc dix des 280 sièges du prochain Parlement, cinq dans chaque chambre. Mais les ex-guérilleros doivent quand même se présenter dimanche.
Aucun sondage ne les crédite d'un vote suffisant pour amplifier cette représentation. La Farc a en outre cédé du terrain en se retirant jeudi de la campagne pour la présidentielle des 27 mai et 17 juin, son chef et candidat Rodrigo Londoño, alias "Timochenko", ayant dû subir un pontage coronarien suite à un infarctus.
Déjà deux grands favoris. Avec les législatives, s'engage vraiment la campagne pour la présidentielle. Par leur vote, les Colombiens vont définir les candidats des futures coalitions. L'ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout, Gustavo Petro, est quasiment assuré de son triomphe à gauche, tandis qu'Ivan Duque part favori de la droite, sous le patronage du sénateur et ex-président Alvaro Uribe. Tous deux sont en tête des sondages pour le 27 mai. Alvaro Uribe s'annonce toutefois comme le grand vainqueur : non seulement il devrait conserver son siège parlementaire, mais il pourrait aussi devenir le leader de la majorité au Congrès et propulser Ivan Duque.