Le président Juan Manuel Santos a assuré que la "paix en Colombie" était "proche", après avoir reçu mercredi les opposants à l'accord avec les Farc, tandis que des dizaines de milliers de personnes ont défilé pour réclamer la fin de la guerre.
Deux visions d'un même accord. "La paix en Colombie est proche et nous allons l'atteindre", a assuré Juan Manuel Santos depuis le palais présidentiel à Bogota, après s'être longuement entretenu avec son plus farouche adversaire, Alvaro Uribe, leader de la campagne du "non" au référendum de dimanche lors duquel les électeurs ont rejeté l'accord avec la guérilla marxiste des Farc. Dans une déclaration séparée, Alvaro Uribe, qui a dirigé le pays de 2002 à 2010 et mené alors une véritable croisade contre la guérilla, a assuré qu'"il vaut mieux la paix pour tous les Colombiens qu'un accord faible pour la moitié des citoyens".
Un lieu de rassemblement pour déposer les armes. Juan Manuel Santos, qui a juré de mettre fin à la guerre fratricide qui déchire le pays depuis plus d'un demi-siècle, s'était auparavant entretenu avec un autre ex-président, Andrés Pastrana (1998-2002), promoteur des dialogues du Caguan, précédente tentative de paix avec les Farc. A sa sortie, Andrés Pastrana a déclaré avoir demandé la mise en place "immédiate" des zones où les rebelles doivent se rassembler pour déposer leurs armes, sous supervision de l'ONU. Selon lui, cela donnerait aux "guérilleros des Farc la tranquillité que nous allons avancer dans ce processus".
Chercher un nouvel accord de paix. Le chef de l'Etat a reçu ses adversaires pour tenter de sauver l'accord négocié pendant près de quatre ans à Cuba avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), et qui prévoyait notamment leur désarmement et leur reconversion en parti politique légal. Alvaro Uribe, aujourd'hui sénateur, a précisé avoir rappelé à Juan Manuel Santos les "ajustements et propositions initiales" qu'il juge nécessaires "pour chercher un nouvel accord de paix, liant la totalité des Colombiens". Il a à nouveau dénoncé "l'impunité totale" et "éligibilité politique" prévues, selon lui, pour les guérilleros démobilisés.
Le spectre du "castro-chavisme". Pendant sa campagne pour le "non" au référendum sur l'accord, signé le 26 septembre par le chef de l'Etat et le leader des Farc, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, Alvaro Uribe n'a cessé aussi d'agiter le spectre du basculement de la Colombie dans un castro-chavisme, inspiré des régimes cubain et vénézuélien. Le référendum, qui s'est soldé par 50,21% pour le "non" et 49,78% pour le "oui" avec une abstention d'environ 62%, a montré un pays polarisé et peu mobilisé pour une consultation non obligatoire, mais que le chef de l'Etat avait voulue afin de donner une "plus large légitimité" à la paix.
Des Farc décidés à cesser la lutte armée. Les Farc ont pour leur part réitéré leur souhait d'en finir avec la confrontation armée, annonçant sur Twitter qu'elles "maintenaient leur volonté de paix". La veille pourtant, Juan Manuel Santos a posé la date limite du 31 octobre au cessez-le-feu, à l'origine définitif, qu'il avait décrété le 25 août, au lendemain de la conclusion de l'accord avec les Farc, elles-mêmes en trêve unilatérale depuis plus d'un an.
"Et ensuite la guerre continue ?", s'est interrogé Timochenko sur Twitter. Un autre chef guérillero, Pastor Alape, a appelé les rebelles à "se déplacer vers des positions sûres pour éviter les provocations". Toutefois, le ministre de la Défense, Luis Carlos Villegas, a temporisé : "Le cessez-le-feu bilatéral sera prorogé autant que nécessaire pour préserver la sécurité des Colombiens, de la force publique, des zones où sont concentrées les Farc et des membres de cette organisation".
Un sursaut des milieux universitaires et de gauche. La crise suscitée par le référendum semble provoquer un sursaut des milieux universitaires et de gauche, avec des rassemblements pour la paix dans une douzaine de villes. A Bogota, une marche blanche a rassemblé environ 30.000 personnes, bougies et fleurs à la main. "Pour tout ce qui nous unit et tout ce qui nous sépare", pouvait-on lire sur un pancarte en tête du cortège, qui s'est étiré en silence sur plusieurs kilomètres jusqu'à la place Bolivar, coeur de la capitale où se trouve le palais présidentiel.
"J'ai le coeur gros", a déclaré Alejandro Quevedo, 31 ans, professeur de mathématiques. "La paix n'appartient ni à Uribe, ni à Santos. La paix est à nous !" Toutefois, le silence a été rompu lorsque des manifestants ont entonné l'hymne national, suivi de slogans tels que "Nous voulons la paix", "Plus de guerre" ou "Pas un pas en arrière", certains formant le symbole de la paix avec des cierges allumés. Le complexe conflit colombien a impliqué au fil des décennies guérillas d'extrême gauche, milices paramilitaires d'extrême droite et forces armées, faisant plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.