"Il vaut toujours mieux une paix imparfaite qu'une guerre parfaite", affirmait en septembre dernier Juan Manuel Santos. Depuis son accession au pouvoir en 2010, le président colombien a fait du combat pour la paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) SA priorité. Vendredi, le dirigeant qui a toujours nié chercher une récompense, a reçu le prestigieux du prix Nobel de la paix, "pour ses efforts déterminés" en faveur de cette réconciliation. Et ce malgré l'échec du référendum qui devait entériner un accord de paix négocié pendant quatre ans.
260.000 morts. Car la paix est un enjeu majeur dans le pays. Pendant 52 ans, un complexe conflit armé colombien a impliqué les Farc, issues en 1964 d'une insurrection paysanne, mais aussi d'autres guérillas d'extrême gauche, des milices paramilitaires d'extrême droite et les forces armées. Au total, le conflit a fait plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
La guerre avant la paix. Avant de prôner le dialogue, c'est avec les armes que Juan Manuel Santos a tenté d'en finir avec les guérilleros. Quand il était ministre de la Défense entre 2006 et 2009, il a dirigé la plus féroce offensive jamais lancée contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie. A son actif : l'élimination en 2008 du numéro deux des Farc et la libération de l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt. Puis c'est le chef militaire de la guérilla, Jorge Briceño, qui tombe en 2010, et son chef suprême Alfonso Cano l'année suivante.
En parallèle toutefois, le gouvernement a établi des contacts avec la guérilla car, selon Mauricio Rodriguez, plus proche conseiller du président, "la paix est son objectif". "Il a fait la guerre comme un moyen pour y arriver : affaiblir les Farc pour les obliger à s'asseoir à la table du dialogue".
Je défendrai leur droit à s'exprimer. Une fois élu président de la Colombie en 2010, puis réélu en 2014, le dirigeant de centre-droit s'est de plus en plus ouvertement affiché comme un partisan déterminé de la paix. "Toute ma vie, j'ai été un adversaire implacable des Farc", avait admis Juan Manuel Santos lors de la signature d'un cessez-le-feu bilatéral en juin, première étape vers un accord de pays. Mais "maintenant (...) je défendrai, avec la même détermination, leur droit à s'exprimer et à poursuivre leur lutte politique par les voies légales, même si nous ne sommes jamais d'accord".
Des négociations depuis 2012. Le 18 octobre 2012, à l'initiative de Juan Manuel Santos et du nouveau leader des Farc, Rodrigo Londoño, alias "Timochenko", est lancé à Oslo un nouveau processus de paix, qui débute formellement en novembre de la même année.
En octobre, près de quatre ans plus tard, il pense avoir touché finalement au but. Les Colombiens, à qui il a voulu donner la possibilité de s'exprimer sur l'accord de paix, signé entre les deux parties en septembre, en décident autrement. 50,21% des votants se sont dits opposés à cet accord, qu'ils jugent trop laxiste envers les guerilleros.
"Une importance inestimable". Malgré ce revers cuisant Juan Manuel Santos a dit vouloir poursuivre son rêve, s'engageant à "ne pas abandonner". Timochenko, le chef des Farc, a par ailleurs réitéré la disposition des guérilleros "à ne faire usage que de la parole comme arme de construction de l'avenir" après le résultat du référendum.
Vendredi, lorsqu'il a appris que le Nobel de la paix lui avait été attribué, le président colombien "bouleversé" et "reconnaissant", a affirmé que ce prix était "d'une importance inestimable pour faire avancer le processus de paix en Colombie". Pour, lui, c'est certain la paix "est très très proche".