COP 25 : ces pêcheurs qui se lancent dans le ramassage de plastique

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Blandine Hugonnet, édité par , modifié à

La COP25 qui démarre lundi à Madrid est aussi appelée la "blue COP", car elle sera en grande partie consacrée aux océans. À cette occasion, Europe 1 s'est rendue à Anzio, au sud de Rome, où des pêcheurs s'organisent pour traquer le plastique, qui décime les rangs de poissons. Ils essaient désormais d'obtenir des subventions.

Comme chaque année depuis un quart de siècle, les dirigeants du monde se réunissent pour tenter de trouver une solution à la crise environnementale. La COP 25 démarre lundi à Madrid. Et elle sera cette année en grande partie consacrée aux océans.

En Italie, depuis près d’un an, des marins n'ont pas attendu les grands de ce monde pour agir. Ils sont partis en guerre contre les déchets en plastique qui polluent la mer. Chaque jour, ils en remontent plusieurs kilos dans leurs filets, un vrai travail d’éboueur, qui est autorisé depuis quelques mois seulement dans certains ports du pays. Ces pêcheurs italiens en sont les premiers témoins : il est urgent d’agir. L’Italie est l’un des plus gros pollueurs en Méditerranée. Et les déchets font des ravages sur la faune maritime. Reportage

Comme chaque jour vers 15h, les cris des goélands annoncent le retour des premiers chalutiers. Nous sommes à Anzio, une petite cité touristique du sud de la région de Rome. Et un des ports de pêche les plus importants de la mer Tyrrhénienne, une partie de la Méditerranée. Sur le quai, appuyé sur sa canne, Ciro observe le déchargement du haut de ses 80 ans. Il est le président de l’association locale de pêcheurs.

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Regarde, tout ce qu'on a trouvé dans la mer, des caisses, des poubelles, ouais, même des vieilles chaussures, un sac de croquettes

"Là, ils sortent tout le poisson du jour pour la criée. Ils sont partis dans la nuit, vers 2h, et ils ne reviennent que maintenant", raconte-t-il, décrivant le travail des pécheurs de la ville. Après 13h passées en mer, le travail de ces pêcheurs ne s’arrête pas là. 

Bottes aux pieds et combinaison orange à bretelles, Kamel et Alessio remontent sur leur bateau. "Là, on doit trier tout ce plastique. Regarde, tout ce qu'on a trouvé dans la mer, des caisses, des poubelles, ouais, même des vieilles chaussures, un sac de croquettes... C'est hallucinant, y’a tout et n'importe quoi dans la mer... et surtout trop de plastique", déplore Kamel. "Des bouteilles, un filet de patates... Et c'est comme ça tous les jours ! Tous les jours, on remplit un ou deux gros sacs comme ça", renchérit Alession. "Tous ces déchets que l'on trouve, on les rapporte à terre, et on les jette dans les containers qui ont été installés juste-là", poursuit-il. 

Ils appellent ça "l’île écologique" : une mini-décharge, à quelques pas du navire. Elle a été mise en place en mars dernier par un arrêté municipal. Et depuis, elle leur évite des centaines d’euros d’amendes. Car comme dans toute l’Italie, à Anzio, il était interdit jusque-là de débarquer le plastique sur le port, explique Angelo, en train de pousser un espadon sur un chariot.

"En gros, avant, quand on revenait au port, on ne pouvait pas débarquer le plastique parce que c’est considéré comme un déchet toxique, sinon fallait payer une société spécialisée dans la récupération", explique Angelo. "C’était notre responsabilité. Ben du coup, beaucoup rejetaient dans la mer ce qu’ils avaient récupéré. Parce que si on le débarquait au port sans le déclarer, on se prenait une prune. Maintenant que c'est officiel on peut le faire tranquillement", poursuit-il.

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Comme les balayeurs qui nettoient la rue, nous on se doit de nettoyer la mer

Comme Angelo, ici, tout le monde s’est vite investi. Désormais, les 28 chalutiers du port déchargent, chaque jour, une dizaine de kilos de déchets chacun, récupérés sur une centaine de km de côtes. Sauvegarder la mer, c’est une mission pour tous ces pêcheurs. "Pour nous, surtout, les chalutiers, qui récupérons de tout ! Nos filets, c'est comme une grande coupelle qui ramasse tout. Parce qu’on pêche dans les profondeurs", enchaîne Angelo. "Donc, comme les balayeurs qui nettoient la rue, nous on se doit de nettoyer la mer".

Mais vue l’étendue de la pollution en mer, c’est toute la population locale qu’il a fallu aussi mobiliser. "Le pire, ce sont ces espèces de rubans en plastique qui servent à attacher les sacs, les poubelles. Ça, on en voit partout et ils restent en mer pour toujours. Les poissons en meurent étouffés, parce qu'ils les mangent, et ça reste dans leur estomac. Donc nous, comme protecteurs de la mer, on a voulu sensibiliser tout le monde. Comme les enfants, pour qu'ils ramassent les déchets sur les plages. Maintenant, les plaisanciers et les plongeurs d’Anzio le font aussi en mer. Et depuis cet été, la Mairie a pris un arrêté : tout type de plastique est interdit sur les plages", détaille Ciro.

Casquette sur la tête, les mains encore mouillées, Lorenzo descend tout juste de son chalutier "Le Poisson volant", le tout premier navire qui a osé rapporter le plastique à terre. Le capitaine est en colère, mais optimiste pour l’avenir. "Ah le plastique, ça fait 50 ans qu'on en trouve. Tout le monde prend la mer pour une décharge, les pétroliers, les bateaux de commerce, de croisières… mais le problème ce n'est pas la pollution en mer, c'est en amont : à terre, dans les fleuves, les embouchures. Toute la crasse finit toujours dans la mer en fait. Mais je crois qu’on est utile quand même. On en a déjà enlevé une bonne partie, ça se voit dans nos filets qu'il y a moins de machins en plastique au milieu de nos poissons...alors qu’on a commencé il y a moins d’un an !"

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C'est tout un travail qu'on doit faire en plus… et sans prendre un euro au passage !

Mais Lorenzo est inquiet... parfois, il ne peut pas aller au large pendant des jours. Les poissons se font de plus en plus rares. Alors quitte à faire le pêcheur de plastique, il voudrait que sa nouvelle activité soit reconnue. "C'est tout un travail qu'on doit faire en plus… et sans prendre un euro au passage ! Jusqu'à maintenant, on fait tout gratuitement. Donc, comme on est déjà en difficulté pour continuer à travailler, si un ministre nous proposait une sorte de prime ou une réduction sur nos taxes, ça nous donnerait un bon coup de main. Bon, j'aime pas trop qu'on nous appelle les 'éboueurs des mers'. Mais en fait, je crois que c'est le bon terme parce que mon métier est clairement en train de changer. Mais je préfère dire plutôt qu’on est les 'gardiens de la mer'. Moi la mer, c'est toute ma vie".

La motivation des pécheurs d'Anzio fait tâche d’huile en Italie. De plus en plus de collectifs de pêcheurs décident à leur tour de partir à la pêche/chasse au plastique et d’organiser, à terre, un ramassage légal avec les autorités locales. Une loi est même en cours d’examen au parlement italien. Si elle ne prévoit pas d'aide financière pour ces pécheurs, son objectif est de créer une sorte de "label écologique", pour que le consommateur puisse être informé des efforts de ces "gardiens de la mer".