Vaccination : en Afrique, une campagne trop lente et des disparités

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Victor Dhollande et François Hume-Ferkatadji, édité par Romain David , modifié à

Tandis que l'Afrique est sous le coup d'une seconde vague de contaminations au Covid-19 plus violente que la première, les services hospitaliers arrivent à saturation dans plusieurs pays et l'accélération de la campagne vaccinale apparaît comme urgente. Le dispositif Covax, lancé par l'OMS, coexiste avec des stratégies individuelles de certains Etats. 

En France, plus de 4,5 millions de personnes ont reçu au moins une injection d'un vaccin contre le Covid-19. À travers le monde, ce sont désormais plus de 100 millions de personnes qui ont au moins reçu cette première injection, avec des inégalités plus ou moins importantes en fonction des pays. Ainsi, si une personne est vaccinée toutes les secondes dans les pays riches, 76 pays dans le monde n’ont pas encore reçu une seule dose. Une situation qui touche plus particulièrement les pays africains : le continent va bientôt dépasser les quatre millions de contaminations, avec plus de 106.000 décès officiellement recensés. Et même si les situations sont très variables entre les 54 pays, les premières campagnes de vaccination ont eu tendance à débuter très timidement. 

600 millions de doses attendues via le dispositif Covax

Il y a presque autant de stratégies de vaccination que de pays sur le continent africain. Il y a d’abord ceux qui ont décidé de gérer eux-mêmes les commandes, en s'entretenant directement avec des laboratoires pharmaceutiques. C’est le cas du Maroc, qui a acheté des flacons du vaccin britannique AstraZeneca du russe Sputnik V ainsi que 10 millions de doses du vaccin chinois Sinopharm. L’Egypte a aussi commandé 40 millions de doses, le Sénégal 200.000. L’Algérie, quant à elle, a débuté sa campagne avec le sérum russe Spoutnik V. De son côté, l’Afrique du Sud avait commandé 1,5 million de doses AstraZeneca, avant de suspendre sa campagne en raison des doutes sur l’efficacité de ce vaccin sur le variant sud-africain.

À côté de ces démarches individuelles, l’OMS a lancé le dispositif Covax qui engage les pays riches à fournir gratuitement des vaccins aux pays en voie de développement. Quelque 600 millions de doses devraient arriver au cours de l’année 2021, de quoi vacciner 20% des Africains. Ce dispositif vient notamment de débuter en Côte d’Ivoire, avec un premier lot d’un demi-million de doses de vaccin AstraZenaca. Les forces de l'ordre sont prioritaires, tout comme les enseignants, les personnes de plus de 50 ans présentant des comorbidités et les agents de santé.

"C'est un problème mondial, il faut que tout le monde s'y mette"

"Je pense qu'il est très important pour tout Ivoirien de se faire vacciner, dans leur propre intérêt et dans l'intérêt du pays. Il faut que tout le monde bouge pour que les choses avancent", lâche au micro d'Europe 1 un habitant d'Abidjan, qui patiente avec 200 autres personnes sous une tente climatisée, aux abords du Palais des sports, avant une première injection du vaccin AstraZeneca. Il s'agit là du seul centre de vaccination contre le Covid-19 du pays. Quatre autres doivent ouvrir prochainement.

Pour Hervé Brou, pharmacien, la campagne de vaccination est une nécessité, et pas seulement pour les Ouest-Africains : "C'est un problème mondial. Il faut que tout le monde s'y mette pour que cette maladie soit éradiquée une bonne fois pour toute." Pourtant, la méfiance vis-à-vis du vaccin reste un problème majeur en Côte d'Ivoire. Le gouvernement ne communique d'ailleurs pas pour le moment au sujet du nombre de personnes déjà vaccinées.

"Si les Africains ne sont pas vaccinés, le virus repartira"

A l'échelle du continent africain, il apparaît désormais comme urgent d’accélérer la vaccination, car la seconde vague y est plus forte que la première, et certains pays sont proches de la saturation hospitalière. C’est le cas notamment au Cameroun, au Nigéria, au Mozambique, ou encore au Zimbabwe.

Depuis la fin du mois de février, seules 14 millions de doses de vaccins ont été livrées à 22 pays africains à travers le dispositif Covax. Un chiffre bien trop faible selon le professeur Yap Boum, épidémiologiste camerounais et représentant pour l’Afrique d’Epicentre, la branche de recherche de Médecins sans frontières. Pour lui, les pays développés n'ont pas d'autre choix que d’investir dans la vaccination en Afrique. "Ca n'est pas de la charité. Les mouvements de population font qu'il faut limiter le virus partout dans le monde, en même temps. Si on vaccine tout le monde en Europe, on aura une immunité collective, mais si les Africains ne sont pas vaccinés, le virus repartira", pointe-t-il auprès d'Europe 1.

L’une des clés de la vaccination massive dans les pays en voie de développement serait de libérer les brevets de vaccins. De plus en plus de voix le réclament mais les laboratoires pharmaceutiques refusent catégoriquement.