Le contexte. Lundi matin, un groupe d’hommes armés, appartenant à une faction talibane pakistanaise, ont tué au moins vingt-et-une personnes dans l’attaque de l’université de Bacha Khan à Charsadda. Une attaque terroriste qui intervient un an après un massacre dans une école de la même région.
L’école première cible. Régulièrement, des groupes terroristes s’en prennent à des écoles ou des universités, comme au Kenya ou au Nigeria. Des actions qui s’inscrivent pleinement dans leur stratégie d’expansion. Certaines organisations portent même le nom de cette mission : Boko Haram signifie "l’éducation occidentale est un pêché" en langue haoussa.
"Ces attaques sont dans le gène de ces groupes", explique Mathieu Guidère, islamologue, professeur à l'université de Toulouse-2, spécialiste du monde musulman et du terrorisme. "Récemment, l’organisation Etat islamique a émis tout un dossier et une menace qui visent spécifiquement l’école laïque et les enseignants de ces établissements", ajoute le spécialiste.
" Daech prône la mise en place d’un système éducatif parallèle "
Remplacer plutôt que détruire. Pour le chercheur, Daech a marqué un tournant, en 2014, dans cette stratégie de destruction du système éducatif. Là où un groupe comme Boko Haram ne cherche qu’à anéantir le système d’enseignement - ou Al-Qaïda qui s’est contenté de massacrer les enseignants - Daech, lui, cherche à le remplacer par ses propres programmes.
"L’EI prône la mise en place d’un système éducatif parallèle, alternatif, dès que l’organisation prend le pouvoir sur une nouvelle région", s’assurant ainsi la diffusion de sa pensée aux plus jeunes, analyse Mathieu Guidère, ajoutant que "toute personne qui refuse d’appliquer ces enseignements est soit tuée, soit chassée".
Un enseignement de propagande. Récemment, beaucoup de groupes djihadistes se sont inscrits dans cette nouvelle dynamique qui vise à remplacer plutôt que de détruire. Sauf Boko Haram qui n’a eu cesse de détruire des établissements, mais en ne mettant en place aucune alternative. « La situation est dramatique pour les territoires sur lesquels le groupe est présent, au Cameroun, au Niger, au Tchad et évidemment au Nigéria. "Il y a une déstructuration totale du système éducatif, qui était déjà très précaire avant l’apparition du groupe", observe le spécialiste, qui regrette la très forte progression du taux d’illettrisme parmi ces populations.
Les talibans, qui s’en sont pris à une université lundi matin au Pakistan, s’inscrivent, quant à eux, dans une logique de retour au pouvoir. "Ils sont, comme Daech, dans une volonté de construction étatique et font pression sur les enseignants", détaille Mathieu Guidère.
Et cette stratégie de l’enseignement alternatif prend racine. En Syrie et Irak, par exemple, depuis que l’EI a pris le contrôle de larges zones, un système éducatif, totalement sous son contrôle, a été mis en place dans des écoles et des universités. "L’enseignement y est essentiellement religieux et évidemment complètement déconnecté de la vie moderne et contemporaine", précise le spécialiste.