La cyberguerre, nouvelle guerre froide ? Depuis vendredi, les hostilités numériques sont déclarées entre les États-Unis et le Russie. Barack Obama a accusé Moscou d'avoir organisé le piratage de la boîte mail d'Hillary Clinton et a brandi la menace de représailles. David Martinon, représentant pour les négociations internationales concernant l'économie numérique depuis 2013 et ancien porte-parole de l'Élysée, était l'invité dimanche de l'émission C'est arrivé demain pour analyser ce nouveau type d'affrontement.
Une attaque russe dévoilée par les États-Unis. Les autorités américaines reprochent une "cyberattaque" de comptes du parti démocrate, rappelle David Martinon mais reprochent encore plus aux Russes d'avoir dévoilé le fruit de leurs investigations via Wikileaks. "Cela a entraîné un certain nombre de critiques contre la candidate démocrate qui s'en est trouvée encore plus fragilisée." Les Américains auraient aussi pu faire le choix de garder cette attaque secrète, seulement l'ancien protégé de Nicolas Sarkozy souligne un changement d'époque : "C'est la deuxième fois seulement que les Américains attribuent une attaque." La première fois, c'était Sony Pictures, pris pour cible par la Corée du Nord.
"L'objectif, c'est la désescalade".Barack Obama est pour l'instant resté "très ambigu sur la réponse" à cette seconde cyberattaque. "Cela peut être une réponse dans le combat numérique, une réponse diplomatique, une sanction, on ne sait pas, ça peut être beaucoup de choses", dont des solutions qui resteront inconnues du grand public. "L'objectif, c'est la désescalade." A l'image des États-Unis, l'Allemagne a également signalé des attaques de source russe, à la différence de la France. "Elle n'a jamais attribué une attaque, ça ne veut pas dire que nous n'en avons pas eues", précise David Martinon. "Le dire permet d'envoyer un signal à l'attaquant. Ne pas le dire, c'est se donner la possibilité de continuer à chercher, apprendre et s'organiser."
Attaques quotidiennes et mondiales. L'ancien porte-parole de l'Élysée rapproche cette nouvelle ère de ce que "le monde avait vécu dans les années 1950 quand les puissances tentaient de s'armer du point de vue nucléaire", mais nuance aussi son propos. "En même temps, les ressorts de cette guerre sont totalement différents. Les années 1950, c'était aussi la guerre froide avec un affrontement bipolaire avec deux camps qui ne s'affrontaient pas directement. Là, cela ressemble beaucoup plus à une guerre chaude multipolaire au sens où les attaques sont quotidiennes et tout le monde s'arme." La guerre froide tenait par l'équilibre de la terreur de la bombe nucléaire. "Le caractère de dissuasion radicale qui s'attache à la dissuasion nucléaire ne peut pas être appliqué au cyberespace. Ce n'est pas du mêem ordre, même si Obama envoie bien un message de dissuasion."
Défense en France, recherche de consensus international. L'entrée dans une nouvelle époque s'est cristallisée en France par les annonces de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, d'octroyer plus de moyens pour la cyberguerre et de créer pour janvier un "cybercommandement". C'est un terrain nouveau, celui du combat numérique avec des combattants et défenseurs. Les opérations militaires sont accompagnées d'opérations dans le cyberespace. Il faut que l'on soit capable de riposter et de neutraliser." Si, pour l'instant, aucun équivalent à la Convention de Genève n'est en projet, "le droit international public s'applique au cyberespace. Cela ne suffit pas, nous essayons de forger des recommandations pour les États. C'est un travail minutieux pour lequel le consensus est difficile à atteindre."