De La Havane à Santiago, sur la route avec les cendres de Fidel Castro

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Walid Berrissoul et O.G

Une semaine après la mort de celui qu'ils appellent le père de la révolution, les Cubains lui rendent hommage à travers tout le pays. Depuis trois jours, le reporter d'Europe 1 suit la caravane qui transporte les cendres de l'ex-leader cubain. 

Des dizaines de milliers de visage. Des cris, des larmes et une foule infinie alignée le long de la route. Une semaine après la mort du "leader maximo", décédé le 25 novembre à l'âge de 90 ans, Cuba dit adieu à Fidel Castro, et lui rendent hommage à travers tout le pays.

L'urne transportant les cendres de celui qui a gouverné de 1959 à 2011 parcourt l'île. Une procession qui est partie mercredi de La Havane, pour rallier Santiago. C'est de là qu' en 1959, la Révolution est partie pour conquérir la capitale. Plus d'un demi-siècle plus tard, le long de cette même route, les Cubains sortent de chez eux pour saluer le Commandante.

"L'image de Fidel ne s'éteindra jamais". Le castrisme a touché tout le monde, d'une manière ou d'une autre, et les Cubains le racontent. Des villages entiers se sont vidés pour espérer saluer une dernière fois Fidel Castro. Ils guettent le passage de son urne funéraire en cèdre, portée par une remorque. A la fin de la journée, notre chauffeur, Amaury, est au bord des larmes, submergé par cette ferveur : "Aujourd'hui, nous avons roulé 300 km et pendant 300 km, nous n'avons vu que des gens sur le bord de la route", s'exclame-t-il. "Tout le monde est meurtri par la disparition de Fidel, mais son image ne s'éteindra jamais".

Touristes, maison d'hôtes et réformes économiques. À Santa Clara, où reposent les cendres du Che, les hélicoptères survolent la foule, des centaines de drapeaux s'agitent au passage de la procession. Un enseignant à la retraite sait tout ce qu'il doit à Fidel Castro : "S'il n'y avait pas eu la Révolution, je n'aurai pas pu étudier", explique-t-il, précisant qu'il a pu devenir professeur en 1959, "quand Fidel est arrivé". Il ajoute : "il nous laisse maintenant cet héritage et il faut continuer". 

Arrêt à la station essence. Un dignitaire du Parti fait le plein de son véhicule de fonction : un side-car soviétique hors d'âge qui croise des autocars climatisés transportant des dizaines de touristes. C'est avec eux que Francisco a choisi de poursuivre à sa manière la révolution en devenant propriétaire d'une maison d'hôtes.

Une nouvelle possibilité pour les Cubains depuis les réformes de Raul Castro. Son chiffre d'affaires est tellement florissant, qu'il n'a même pas le temps d'aller saluer le cortège funéraire : "Les touristes viennent nombreux", reconnaît-il. "Je travaille beaucoup mais ça en vaut la peine et, économiquement, je suis plus à l'aise", explique Francisco, tout en présentant les plans des nouveaux projets qu'il a commandés à un architecte et qui vont agrémenter sa maison d'hôte : "Il y aura une terrasse et un bar".

"Internet ne va pas menacer les idées de la Révolution".  Une heure et demie de route plus loin, quelques fermes au milieu des plantations de bananiers. Des paysans sur des carrioles, des grands panneaux à la gloire de la révolution et Internet, arrivé ici il y a deux ans. Magdelina, l'institutrice du village, l'utilise, tout en inculquant les valeurs du castrisme à ses cinq jeunes élèves : "Il y a Internet à 7 km de chez moi dans un parc", explique-t-elle.

"C'est important, pour que les gens puissent s'ouvrir au monde", affirme l'institutrice, certaine que bientôt Internet sera "dans chaque recoin du pays". Selon elle, le castrisme n'a rien à craindre du monde 2.0 : "Je ne pense pas que cela va menacer les idées de la Révolution. C'est trop profondément ancré dans nos racines".

"J'espère une vie meilleure. Seulement ça". Nouvelle étape : Camagüey, troisième plus grande ville du pays. Ici, on trouve du wifi sur la place de l'église et une jeunesse peu encline à suivre les cérémonies officielles. Principale préoccupation : les réseaux sociaux. Accompagnée de sa fille de 14 ans, Norma préfère répondre en anglais, pour se protéger des oreilles indiscrètes. Avec sa fille, elle ont pourtant agité des portraits de Fidel Castro dans la foule. "Je suis attachée à tout ça car je suis née avec la Révolution. Mais j'attends du changement, pour moi, pour elle", dit-elle en pointant sa fille. "Tout est interdit ici : un coup tu peux vendre un produit et l'année suivante, on te dit que c'est fini. Ils te prennent tout. J'espère une vie meilleure, seulement ça".

Trois ans qu'elles attendent leurs papiers pour prendre le chemin de l'exil vers les Etats-Unis. Trois ans, pourtant, qu'elles ont vu les premières réformes, la visite d'Obama et les promesses d'un changement qui, pour toute une partie des Cubains, ne va pas assez vite.