"Alep rejoint les villes martyres, Guernica, Srebenica, Grozny." Depuis deux jours, l'offensive menée par le régime syrien, aidé de la Russie et de l'Iran notamment, sur Alep, a fait des centaines de morts, notamment parmi les populations civiles. De nombreux témoignages font état de tueries de femmes et d'enfants à l'arme blanche ou même en faisant effondrer les bâtiments sur celles et ceux qui tentent de s'abriter. Un massacre que Dominique de Villepin a tenté d'analyser, mercredi, sur Europe 1. "Ces tragédies se répètent et il y a un certain nombre de leçons à tirer", a-t-il déclaré.
Choquée, la jeunesse peut rejoindre Daech. Première d'entre elles : "la guerre contre le terrorisme est une absurdité, quelle que soit la façon dont on opère. C'est vrai à Mossoul [en Irak, où l'armée, soutenue par la coalition internationale, intervient pour déloger l'État islamique], même si c'est un interventionnisme plus ciblé qui prend en compte les civils et c'est vrai à Alep, avec un interventionnisme massif de Bachar Al-Assad", a expliqué l'ancien Premier ministre. Pour lui, loin d'affaiblir les islamistes, de telles interventions militaires le renforcent. "Le terrorisme est le vrai victorieux, il va sortir renforcé de toutes ces batailles."
Selon lui, la vision de cette tragédie peut en effet pousser une certaine population dans les bras de Daech. "Comment ne pas s'insurger quand on voit tant de morts innocents ? Comment croyez-vous que réagit la jeunesse syrienne, celle du Proche et du Moyen-Orient, notre jeunesse et celle du Maghreb ? Ce sont de nouveaux bataillons qui vont alimenter le terrorisme dans cette région."
"Gagner une bataille ce n'est pas gagner la paix". Rappelant qu'il s'était opposé, en 2003, en tant que ministre des Affaires étrangères, à la guerre en Irak voulue par les Etats-Unis, Dominique de Villepin a rappelé que "gagner une bataille, gagner une guerre, c'est très bien mais cela ne permet pas de gagner la paix". "Aujourd'hui, la Russie et les alliés de Bachar Al-Assad n'ont pas gagné sur le territoire syrien. Il y a d'autres campagnes qui vont s'ouvrir. Vont-ils choisir d'aller au nord-ouest, de s'adresser directement au fief de l'Etat islamique [EI], sachant que l'EI n'est pas à Alep ? Vont-ils choisir d'aller à Raqqa ou dans d'autres parties de la Syrie qui restent sous contrôle de l'EI ?"
Une "guerre de position". En réalité, selon lui, il ne faut pas voir l'offensive contre Alep comme une volonté de mettre fin à la guerre civile qui ensanglante la Syrie depuis quatre ans, mais bien comme un calcul de la part du régime syrien et de ses alliés. "Il y a une guerre civile qui ne peut être gagnée par personne parce que c'est le terrorisme qui gagne, une guerre régionale complexe entre l'Iran, l'Arabie Saoudite, la Syrie, la Turquie, et une rivalité internationale entre la Russie et les Etats-Unis. Ce qui se joue aujourd'hui malheureusement, c'est une guerre de position pour préparer cette bataille diplomatique qui va se nouer à partir du 20 janvier."
L'arrivée de Donald Trump rebat les cartes. Le 20 janvier en effet, Donald Trump sera officiellement investi président des Etats-Unis. Et, comme Jean-Pierre Raffarin sur Europe 1 mardi, Dominique de Villepin a estimé que Moscou, Téhéran et Damas ne cherchent, par leur offensive, qu'à se renforcer avant son arrivée. Et l'ancien Premier ministre de souligner : "le 20 janvier, un allié de poids va s'allier à la Russie, la Chine et l'Iran, tous ces pays légitimistes qui refusent un changement de régime [en Syrie]. Donald Trump refuse également le changement de régime et nous allons, nous, nous retrouver isolés."