Après ses tentatives pour limiter l’immigration, Donald Trump passe à l’offensive sur l’emploi. Le président américain a signé mardi un décret visant à inciter les entreprises à embaucher des travailleurs américains. Il cible notamment les visas H-1B, très prisés par les sociétés spécialisées dans les nouvelles technologies qui ont besoin de main-d’œuvre étrangère.
C’est quoi le visa H-1B ? Le visa H-1B est un permis de travail temporaire délivré aux employés "qualifiés" qui voudraient travailler aux États-Unis : ingénieurs, avocats, médecins, chercheurs… En pratique, ce type de visa est principalement utilisé par les entreprises technologiques de la Silicon Valley. Faute d’un vivier de programmateurs et d’ingénieurs informatiques suffisamment fourni sur place, elles ont recours à des experts étrangers. Les entreprises américaines doivent prouver que l’employé sélectionné dispose de qualifications rares aux États-Unis et le rémunérer selon les règles en vigueur outre-Atlantique, ceci afin d’éviter le dumping social.
Un visa avantageux. Le visa H-1B octroie un droit de séjour de trois ans, renouvelable jusqu’à six ans maximum aux États-Unis, mais se révèle onéreux à obtenir : jusqu’à plusieurs milliers de dollars pour l’obtenir (procédure et frais d’avocat). Les dépenses sont à la charge de l’entreprise qui embauche. Une fois obtenu, il offre de nombreux avantages au travailleur étranger comme la possibilité d’emmener sa famille, de changer d’employeur et de demander une Green Card (carte de résident permanent).
11.000 Français concernés. Les autorités américaines délivrent chaque année entre 65.000 et 85.000 visas H-1B, pas plus pour ne pas déséquilibrer le marché du travail américain. La demande est tellement importante (230.000 dossiers en 2016) que le choix est effectué en partie par un processus de loterie. En 2015, plus de 500.000 personnes bénéficiaient du visa H-1B aux États-Unis, dont la moitié d’Indiens. La France est le sixième pays le plus demandeur. Les 1.500 nouveaux entrants de 2015 ont porté la diaspora française de travailleurs spécialisés à 11.000 personnes environ.
L’ouverture des entreprises américaines ne plaît pas à Donald Trump qui a fait de la "priorité américaine" son slogan de campagne ("America first"). Le président veut lutter contre la "fraude et les abus" dans l'attribution des visas H-1B et lancer une réforme complète du système. La Maison-Blanche estime que ce programme a été néfaste pour les travailleurs américains dans la mesure où il a aussi, selon elle, entraîné l'arrivée d'une vague de travailleurs relativement peu qualifiés. "Nous pensons que les emplois doivent être offerts d'abord à des travailleurs américains", a martelé Donald Trump.
Pas de changement concret. Pour autant, les travailleurs étrangers – et ceux qui souhaiteraient être embauchés aux États-Unis à l’avenir – n’ont pas de raison de s’inquiéter dans l’immédiat. Le décret signé par Donald Trump n’a pas valeur de réforme. Il ne peut pas réduire le nombre de visas alloués chaque année. Le décret est plutôt un effet d’annonce qui permet au président de montrer sa détermination à ses électeurs et de lancer un appel à propositions des différents ministères. Ce texte ordonne ainsi aux ministères concernés (Travail, Justice, Sécurité intérieure, département d'État) de proposer des réformes pour que le programme H-1B "revienne à son objectif initial : donner des visas aux postulants les plus diplômés sur les postes les mieux payés".
Une réforme compliquée. Pour rogner réellement le quota de visas H-1B, l’administration de Washington devra donc élaborer un texte de loi en bonne et due forme. Mais, comme lors de la signature des décrets sur l’immigration, Donald Trump devra faire face à de nombreuses résistances. Les entreprises concernées (principalement des sociétés de conseil en digital) ont beaucoup à perdre si elles ne peuvent plus avoir autant recours au savoir-faire étranger.
La Chambre de commerce américaine a d’ailleurs immédiatement fait part de ses réserves : si elle a jugé que le programme H-1B pouvait être amélioré, elle a mis en garde contre la tentation de le saborder. "Ce serait une erreur de fermer la porte aux travailleurs qualifiés du monde entier qui peuvent contribuer à la croissance des entreprises américaines et rendre les Etats-Unis plus compétitifs", a-t-elle souligné.