Les dirigeants européens se retrouvent mercredi à Salzbourg pour tenter d'apaiser leurs querelles migratoires. Mais le président du Conseil européen, Donald Tusk, a déjà prévenu qu'il ne fallait rien attendre de cette réunion tant les 28 ne sont pas sur la même ligne. Le sujet est d'autant plus sensible et complexe que les points de départs et d'arrivées des migrants ont beaucoup évolué ces dernières années.
>> Désormais, ce n'est plus seulement de Libye mais aussi de Tunisie que les migrants partent. Depuis que la politique d'accueil a été durcie, ces hommes et femmes sont également de moins en moins nombreux à arriver en Hongrie, malgré ce que laisse croire le discours anxiogène de Viktor Orban. D'un côté et de l'autre de la Méditerranée, les reporters d'Europe 1 l'ont constaté.
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En Hongrie, les migrants sont de moins en moins nombreux à arriver
On pourrait penser le contraire tant la voix de Viktor Orban se fait entendre à ce sujet, mais les migrants sont de moins en moins nombreux à arriver en Europe - ils sont 91.000 depuis le début de l'année contre 1,8 million en 2015 au plus fort de la crise - et ils sont également beaucoup moins en Hongrie. Le pays a comptabilisé moins de 300 demandes d'asiles sur le début de l'année, contre 175.000 il y a trois ans.
Aujourd'hui, c'est d'abord en Espagne que se rendent les migrants. Le pays concentre 53% des arrivées, devant la Grèce (via la Turquie), 35%. L'Italie de Matteo Salvini, que l'on entend tout autant que le Premier ministre hongrois, reçoit environ 12 % d'entre eux. Les points d'entrées qui étaient les plus importants au plus fort de la crise, comme en Hongrie, se sont donc taris, au profit de nouvelles voies.
#Migrants On entend surtout la Hongrie et l'Italie à ce sujet, mais les arrivées de migrants en Europe se font d'abord :
— Théo Maneval (@TheoManeval) 19 septembre 2018
- en Espagne : 53%
- en Grèce (via la Turquie) : 35%
- en Italie : 12%
Et elles sont 20x moins importantes qu'au plus fort de la crise en 2015.#Salzbourghttps://t.co/jZy5CSGbiL
"J'habite près de la frontière et il n'y a plus aucun migrant". Dans le village de Röszke, à la frontière avec la Serbie, là où Viktor Orban a fait construire un nouveau rideau de fer pour bloquer le passage des migrants, plus personne ne passe. A Röszke, les villageois eux-mêmes le disent : la situation n'a plus rien de cauchemardesque. "Non, je n'en vois plus aucun. J'habite près de la frontière et il n'y a plus aucun migrant", explique l'un des habitants. "Il n'y a plus que des policiers : ils n'ont tellement rien à faire qu'ils se chassent les uns les autres", s'en amuse une autre. "La clôture nous a redonné un sentiment de sécurité, c'était indispensable pour nous...", estime une villageoise.
Une satisfaction qui n'empêche pas le Premier ministre hongrois de continuer à marteler un discours très anxiogène par crainte que le flux de migrants revienne justement par ce chemin qui remonte depuis la Grèce. "Le Premier ministre indique qu'il est évident que le Parlement européen est aux mains d'une majorité pro-immigration, qui veut régler les problèmes de l'Union par un changement de sa population", explique-t-on ainsi à la télévision hongroise sur les grandes chaînes proches du pouvoir. Les images d'archives de l'arrivée de milliers de migrants tournent en boucle, avec le mot "chaos" qui barre l'écran.
Sur TV2, grande chaîne de télévision privée, propriété d'un homme réputé proche de Viktor Orban, les images d'archives d'arrivées de milliers de migrants tournent en boucle. (Crédit : Théo Maneval/Europe1 )
La Tunisie, nouveau point de départ massif des migrants
La Libye a longtemps été un point de départ massif. Aujourd'hui, ce flux a ralenti. Les migrants passent désormais par le Maroc et les côtes tunisiennes pour rejoindre l'Europe. Europe 1 s'y est rendu. A Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie, les pêcheurs assistent à des départs quasiment quotidiens. Dans des barques en plastique d'à peine 5 mètres, les migrants se lancent en pleine nuit. Et à bord, ce ne sont plus des Soudanais ou des Érythréens mais des Tunisiens, parfois extrêmement jeunes.
"J'ai vu un gamin de 12 ans qui m'a dit qu'il ne voulait plus vivre ici". C'est le cas de Saïd, 14 ans, qui a tenté le voyage il y a quelques jours, encouragé par ses parents, avant d'être pris en pleine tempête. Ce jour-là, Chamseddine, un pêcheur a vu un canot rempli d'adolescents. "J'ai vu un gamin de 12 ans qui m'a dit qu'il ne voulait plus vivre ici. Les jeunes sont désespérés", regrette-t-il. L'inquiétude grandit d'autant plus que la Méditerranée est à nouveau terriblement meurtrière. 1.600 personnes sont mortes cette année, soit le double qu'en 2017. Pour éviter ces drames, l'Europe souhaiterait installer en Tunisie une sorte de plateforme d'accueil où les migrants viendraient déposer leurs demandes d'asile avant d'être autorisés ou non à entrer en Europe.
L'idée doit être discutée mercredi à Salzbourg mais elle a déjà fuité avant même que les Tunisiens ne soient consultés. Le gouvernement tunisien s'y est d'ores et déjà opposé. "Pour les Européens, c'est une façon de laisser les migrants loin de leurs frontières", s'agace un humanitaire. Ce n'est pas une responsabilité tunisienne". Et quid des migrants déboutés, notamment ceux qui ne sont pas Tunisiens et se retrouveraient alors sans statut dans le pays ?