Le président américain n'a pas le droit de bloquer ses opposants sur Twitter juste parce qu'ils ne sont pas d'accord avec lui, a assuré mardi une cour d'appel composée de trois juges. Ces magistrats confirment ainsi une décision prise en 2018 par une juge fédérale qui estimait que Donald Trump pratiquait de la "discrimination d'opinion" en empêchant ses critiques de s'abonner à son compte personnel @realDonaldTrump.
La magistrate avait alors considéré que la possibilité de réagir aux fréquents tweets présidentiels, en les commentant, s'inscrivait dans l'exercice de la liberté d'expression protégée par le Premier amendement de la Constitution. Le ministère de la Justice avait fait appel. Dans sa décision rendue publique mardi, la cour a affirmé que Donald Trump avait bien fait de son compte Twitter, suivi par 61,8 millions de personnes, un espace public lié à ses fonctions officielles.
Ce dossier était né d'une plainte d'une organisation de défense de la liberté d'expression
"Le Premier amendement ne permet pas à un responsable gouvernemental qui utilise un compte sur les réseaux sociaux pour toutes sortes de raisons officielles d'exclure, dans le cadre d'un dialogue en ligne par ailleurs ouvert, des personnes exprimant des opinions avec lesquelles ce responsable ne serait pas d'accord", écrivent les magistrats dans un jugement de 29 pages.
Ce dossier était né d'une plainte déposée par le Knight Institute, une organisation de défense de la liberté d'expression dépendant de l'université de Columbia, au nom de sept personnes "bloquées" par Donald Trump. On trouvait parmi elles un comédien new-yorkais, un professeur en sociologie du Maryland, un policier texan et une chanteuse de Seattle. A cause de ce blocage, ils ne pouvaient voir les fréquents tweets du président, et ne pouvaient y répondre directement.
"Nous sommes déçus par la décision de la cour et explorons de possibles recours"
Le ministère avait fait valoir que Donald Trump n'agissait pas en sa qualité de président quand il bloquait des utilisateurs, une interprétation repoussée par les juges. "Nous considérons que les preuves de la nature officielle du compte sont accablantes", écrivent-ils dans leur décision. "Nous considérons également qu'une fois que le président a choisi une plateforme et a ouvert cet espace interactif à des millions d'utilisateurs et de participants, il ne peut exclure spécifiquement ceux avec lesquels il n'est pas d'accord". L'administration de Donald Trump peut encore décider de saisir la Cour suprême.
"Nous sommes déçus par la décision de la cour et explorons de possibles recours" dans cette affaire, a indiqué Kelly Laco, une porte-parole du ministère de la Justice. Pour le Knight Institute, "les comptes de responsables publics sur les réseaux sociaux font désormais partie des espaces parmi les plus importants pour la discussion des décisions gouvernementales". Le jugement rendu en appel "va permettre de s'assurer que des gens ne soient pas exclus de ces espaces simplement en raison de leurs opinions, et que des responsables publics ne soient pas coupés de la critique de leurs administrés", a souligné Jameel Jaffer, directeur de l'organisation. Il va aussi "aider à s'assurer de l'intégrité et de la vitalité des espaces numériques, qui sont de plus en plus importants dans notre démocratie", a-t-il ajouté.