L'ambiance n'aurait pas pu être plus glaciale lors du dernier débat télévisé, mercredi à Las Vegas. Les deux candidats à la Maison-Blanche ne se sont serré la main ni en arrivant, ni en partant. Et ce n’est pas la petite phrase de Donald Trump en fin de débat qui va réchauffer les relations entre les deux adversaires. Après avoir plutôt bien attaqué Hillary Clinton sur la politique étrangère, et notamment le bourbier au Moyen-Orient, le candidat républicain a ruiné tous ses efforts en une seule phrase. Le modérateur a demandé quelle réaction il adopterait à l’issue du scrutin, le 8 novembre prochain. "Je verrai, je vous laisse dans le suspense", lui a répondu le milliardaire. Son adversaire s’est dite "horrifiée". "Il dénigre et rabaisse notre démocratie", a-t-elle poursuivi.
>> François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis et auteur de Histoire des Etats-Unis (éd. Puf), revient sur cette menace brandie par Donald Trump et les risques de la mettre à exécution.
Donald Trump est-il trop obsédé par une possibilité de trucage pour pouvoir accepter le résultat ?
F.D : Pour mieux comprendre la pensée du candidat républicain, il faut avoir sa réponse globale, articulée en trois parties. Donald Trump explique d’abord qu’il y a ‘des millions d’électeurs qui sont inscrits sur les listes électorales qui ne devraient pas voter’. C’est assez rare que les Républicains s’appuient sur les failles du corps électoral. Deuxième argument, ‘les médias sont contre moi depuis le début’. Troisièmement, ‘Hillary Clinton n’aurait jamais dû être candidate. Si le FBI avait bien fait son travail, elle serait en prison à cause du emailgate’.
Je ne pense pas qu’il avait préparé sa réponse. Mais il sent qu’il y a un important décrochage dans les sondages. Donald Trump est en train de se préparer à une éventuelle débâcle. Et si ça arrive, il aura son argument, celui du trucage.
Que dit la Constitution américaine sur la reconnaissance du résultat par le perdant ?
Rien du tout ! S’il n’a pas envie de reconnaître le résultat, Donald Trump fait ce qu’il veut. La démocratie américaine perdurera après lui. Il y a 50 commissions indépendantes pour juger de la validité de l’élection. Washington ne pilote absolument pas ce contrôle. Il revient à chaque Etat de valider, ou pas, l’élection. Pour qu’il y ait trucage, il faudrait que ce soit généralisé.
Existe-t-il des précédents dans l’histoire américaine ?
En 2000, le candidat du parti démocrate, Al Gore, avait demandé de recompter les votes dans l’Etat de Floride – avec le résultat qu’on connaît. Mais il faut rappeler que l’élection était, à l’époque, extrêmement serrée. Et après ce recompte, Al Gore avait reconnu sa défaite face à Georges W. Bush.
Mais on n’est, a priori, absolument pas dans le même cas de figure (Hillary Clinton est largement en tête des sondages, ndlr). Personne ne peut dire ce que fera Donald Trump le soir du 8 novembre. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir ce que fera le parti des Républicains. Et sur ce dernier point, on a déjà quelques indices. Une heure avant le dernier débat télévisé, son colistier Mike Pence avait déclaré que le candidat républicain respecterait le verdict des urnes…