L’Italie commémore ce mercredi le premier anniversaire de l’effondrement du pont de Gênes. Il y a un an jour pour jour, le 14 août 2018 à 11h36, une partie du pont Morandi s'effondrait en entraînant dans sa chute véhicules et passagers. La tragédie, qui avait fait 43 morts, continue de marquer les esprits des Génois.
Une minute de silence à l'heure du drame
Ce mercredi matin, la ville et ses habitants ont rendu hommage aux victimes. La cérémonie, qui s'est tenue pratiquement en-dessous du lieu où le pont s'est écroulé, a pris une tonalité politique inattendue du fait de l'explosion de la coalition populiste au pouvoir.
Dans un grand entrepôt, les noms des 43 personnes décédées ont été lus, avant une messe en présence de centaines de leurs proches mais aussi de tous les protagonistes de l'inédite crise politique qui secoue le pays en plein été. À l'issue de la célébration, une représentante des proches des victimes a promis de chercher vérité et justice "parce que ce qui s'est passé ne doit plus se reproduire", tandis que le maire de Gênes et Giuseppe Conte, président du Conseil, ont assuré que les autorités resteraient à leurs côtés.
À 11h36, heure à laquelle s'était produit le drame, tous les participants ont observé une minute de silence, ainsi qu'une foule d'anonymes rassemblée sous un soleil de plomb près du site du pont, tandis que les églises sonnaient le glas et que les sirènes du port retentissaient.
"Le symbole d'un pays qui s'écroulait sur lui-même"
La catastrophe avait été perçue comme la conséquence d'un mauvais entretien des réseaux routiers dans le pays, en particulier des ponts. "Gênes se relève mais ça a vraiment été le symbole, la métaphore, d’un pays qui s’écroulait sur lui-même", explique Paolo Levi, correspondant en France de l'agence italienne Ansa.
De nombreuses familles ont accusé la société Autostrade per l'Italia, gestionnaire de ce viaduc routier et propriété de la famille Benetton, d'avoir privilégié ses bénéfices au détriment de la sécurité. "Le pont Morandi", du nom de l'architecte qui l'a conçu dans les années 1960, "s'est écroulé car il ne réussissait plus à tenir debout", a récemment résumé le procureur de Gênes Francesco Cozzi.
"L’espoir est que les responsables soient traduits en justice, même si ce sont des responsabilités assez diluées, c’est-à-dire que ça peut relever de la société des autoroutes, mais aussi du ministère des transports. C’est vraiment très complexe", a ajouté Paolo Levi. "C’est une blessure qui restera à jamais dans l’imaginaire et dans la conscience collective de l’Italie."
Le ou les procès s'annoncent titanesques, avec 71 personnes visées par l'enquête, dont des dirigeants de sociétés du groupe Benetton et les responsables de diverses administrations, plus de 100 avocats, 120 experts judiciaires, 75 témoins et des tonnes de documents et preuves physiques.
Un chantier au cœur de la ville
Sous le pont, il y avait un quartier, aujourd'hui inhabité, où 600 logements sont toujours vides. C'est aujourd'hui un chantier au cœur de la ville. Fin juin, les derniers piliers du pont Morandi ont été détruits à l'explosif, le béton et l'acier ont été déblayés pour laisser place au projet de reconstruction.
Mais le nouvel édifice dessiné par l'architecte Renzo Piano, auteur entre autres du Centre Pompidou et du nouveau Palais de justice à Paris, ne devrait pas être achevé avant 2020, au minimum. Le célèbre architecte génois a proposé un dessin de pont qui aura "quelque chose d'un bateau, parce que c'est quelque chose de Gênes", selon ses propres mots. "Ce sont trois navires qui s'élèvent vers le ciel et s'unissent pour former une structure unique de plus d'un kilomètre de long", a expliqué Renzo Piano mercredi au journal La Repubblica, tout en mettant en garde : "Il faut faire vite (…) mais il faut prendre le temps juste. Attention à ne pas tomber dans la précipitation." Il sera construit par un groupement de plusieurs sociétés italiennes.
Il nuovo Ponte cresce.#Genova piange, prega e riparte. pic.twitter.com/RjYMRDvzhF
— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) August 14, 2019
"Le nouveau pont grandit. Gênes pleure, prie et recommence", a écrit le vice-président du Conseil des ministres sur Twitter.
Le viaduc autoroutier de Gênes était un axe de communication majeur, la ville étant le premier port de containers transalpin. Depuis un an, Gênes étouffe donc dans des embouteillages monstrueux. "J'espère que [la] crise gouvernementale [que traverse l'Italie] n'entraînera pas des ralentissements dans la réalisation de cette importante infrastructure", a déclaré à l'AFP Federico Romeo, maire de l'arrondissement où s'est produit le drame.
L'affaire du pont est l'un des dossiers qui ont envenimé les rapports entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Ces derniers voulaient de toute urgence supprimer les concessions dont bénéficiait ASPI, même s'ils ont ensuite freiné face au risque, en cas de rupture des contrats, de demandes d'indemnisations onéreuses, tandis que la Ligue, proche des milieux industriels du nord du pays, est toujours restée prudente.