En pleine campagne présidentielle, les quotidiens américains The San Francisco Chronicle, Los Angeles Times ou encore The New York Times, sont restés fidèles à leur ligne politique. En 2012, ils avaient appelé à voter pour le candidat démocrate, Barack Obama et en 2016, ils se sont prononcés en faveur de sa dauphine, Hillary Clinton. Mais ces prises de position ne sont pas évidentes pour tous les grands journaux américains. Face à un duel historique qui oppose Donald Trump à Hillary Clinton, certains quotidiens ont dû revoir leur opinion.
De la neutralité à une ferme opposition au candidat républicain. Pour la première fois en 34 ans d'existence, le quotidien national USA Today a officiellement pris position dans une élection présidentielle américaine. "Cette année, l'un des candidats, le républicain Donald Trump, est, par consensus unanime du comité de rédaction, impropre à la présidence", peut-on lire dans les premières lignes du long éditorial publié vendredi. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le journal se positionne en faveur d'Hillary Clinton. Le message est plutôt de faire barrage au milliardaire.
Les journalistes jugent que "Trump a démontré à plusieurs reprises qu'il n'avait pas le tempérament, les connaissances, la stabilité et l'honnêteté dont l'Amérique a besoin de la part de ses présidents". Et de poursuivre en argumentant sur les engagements fondamentaux respectés par tous les présidents américains depuis la Seconde Guerre mondiale, comme par exemple "apporter un soutien indéfectible aux alliés de l'OTAN, s'opposer fermement aux agressions russes et garder la certitude absolue que les États-Unis vont s'en sortir avec leurs dettes". Des mots durs qui semblent partagés par d'autres grands journaux.
Un soutien surprise à la candidate démocrate. Contrairement à USA Today, plusieurs grands journaux ont pour l'habitude de se déclarer en faveur d'un candidat au cours de la course à la Maison-Blanche. C'est le cas du Cincinnati Enquirer qui a pris position pour Hillary Clinton vendredi dernier avec ces mots : "Ce doit être Hillary Clinton". Le quotidien n'avait pas appelé à voter pour un démocrate depuis Woodrow Wilson en 1916.
Même histoire pour The Dallas Morning News qui a recommandé, début septembre, la candidate démocrate pour la première fois depuis Franklin Roosevelt en 1944. "Il n'y a qu'un seul candidat sérieux pour ce scrutin présidentiel de novembre. Nous recommandons Hillary Clinton. Nous n'en sommes pas venus à cette décision facilement". Et pour cause, en 2012, le journal avait soutenu Mitt Romney, candidat rival de Barack Obama.
Ou encore pour le Houston Chronicle pourtant publié au Texas, État traditionnellement acquis aux Républicains. "Son tempérament erratique, ses pratiques douteuses d'affaires, son racisme, ses inclinations pour des hommes forts comme Poutine, sa démagogie, son mépris pour la primauté du droit et son ignorance, sont suffisants pour être disqualifiant", a déclaré le journal dès le 29 juillet dernier pour justifier son changement de position pour cette nouvelle élection.
Des conséquences sur la campagne. Pour des journaux tirés entre 700.000 et près de 2,5 millions d'exemplaires, de tels éditos contre Donald Trump ne sont pas anodins. D'après une étude publiée en février dernier par un économiste de l'Université Northwestern, les soutiens affichés à un candidat par un journal historiquement du bord adverse pourraient influencer les votes. En étudiant le marché des paris pour les élections de 2008 et 2012, les chercheurs ont établi un lien entre les résultats des urnes et le candidat soutenu par un journal même lorsqu'il s'agit du candidat opposé à sa ligne traditionnelle. Lorsque la prise de position est correctement argumentée, comme c'est le cas pour les quotidiens cités, elle peut infléchir la position des lecteurs.
Une influence de la presse que l'on ne retrouve pas en France. Les journaux sont en effet déjà plus ou moins étiquetés politiquement avant même l'élection. Par exemple, on s'attend à ce que Libération se prononce plutôt en faveur du candidat de la gauche tandis que Valeurs actuelles apportera sans doute son soutien au candidat d'extrême droite. Les prises de position plus ou moins claires de ces médias ne changent pas réellement les choix électoraux de leurs lecteurs puisqu'en général, les Français lisent les journaux qui vont dans le sens de leurs opinions, comme le montre un sondage Ifop-Marianne de 2014.
Une élection pas comme les autres. Quoi qu'il en soit, plusieurs événements inhabituels marquent cette campagne présidentielle toujours plus médiatisée. Entre le duo Will et Grace qui se reforme pour un épisode spécial, Georges Clooney qui organise une campagne de financement pour Hillary Clinton ou encore les cheveux de Donald Trump qui sont l'un des sujets de sa campagne, cette course à la Maison-Blanche va probablement rester dans les annales.