Élections en Serbie : des «achats de voix» observés, l'opposition manifeste à Belgrade

Des manifestations ont eu lieu à Belgrade pour dénoncer des irrégularités lors des élections au Parlement.
Des manifestations ont eu lieu à Belgrade pour dénoncer des irrégularités lors des élections au Parlement. © ANDREJ ISAKOVIC / AFP
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avec AFP / Crédit photo : ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Au lendemain d'une victoire déclarée par le camp présidentiel, qui revendique une majorité absolue au Parlement, des milliers de personnes ont manifesté lundi soir à Belgrade pour dénoncer des irrégularités dans le scrutin. Des allégations de fraudes confirmées par le rapport préliminaire de la mission internationale d'observation.

Des milliers de personnes manifestent lundi soir à Belgrade, en Serbie, pour dénoncer les résultats des élections, marquées par des "achats de voix" et des "bourrages d'urnes", selon des observateurs internationaux, au lendemain d'une victoire déclarée par le camp présidentiel qui a même revendiqué une majorité absolue au Parlement. Selon les premiers résultats - le décompte officiel n'etait pas encore tombé en début de soirée - le SNS (droite nationaliste) a remporté 127 sièges sur les 250 que compte le Parlement. Et serait aussi majoritaire à Belgrade, avec plus de 38% des voix.

Mais l'opposition dénonce des fraudes dans la capitale : plusieurs milliers de manifestants sont réunis lundi soir devant la commission électorale pour demander une annulation du scrutin et le départ du président, Aleksandar Vučić. "Vučić, voleur, tu as volé les élections", "Vučić va-t-en", scandait la foule. Les élections législatives de dimanche étaient couplées en certains endroits avec des scrutins locaux. C'était notamment le cas à Belgrade, où vivent 1,5 million de personnes, près d'un quart du pays. Le SNS y a revendiqué la majorité - avec 38,5% des voix, soit 23.000 de plus que l'opposition.

"Des irrégularités de procédure" 

Mais selon la coalition d'opposition "Serbie contre la violence" (SPN), "plus de 40.000 personnes" ont voté dans la capitale sans en être résidents, transportées par bus depuis la Republika Srpska, l'entité serbe en Bosnie voisine. Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux dimanche disaient montrer l'arrivée d'électeurs dans l'un des stades de la ville, où il leur était indiqué dans quels quartiers ils devaient aller voter.

 

Des allégations de fraudes confirmées par le rapport préliminaire de la mission internationale d'observation (OSCE, Parlement européen et Conseil de l'Europe) : les observateurs ont décrit un scrutin "marqué par des cas isolés de violence, des irrégularités de procédure et de fréquentes allégations d'organisation et de transport d'électeurs pour soutenir le parti au pouvoir lors des élections locales", ainsi que "des achats de voix et des bourrages d'urnes". "L'opinion de l'OSCE est la même que celle de la foule réunie ici", a déclaré devant les manifestants Dragan Djilas, l'un des chefs de file de la coalition d'opposition "Serbie contre la violence".

Deux leaders de la coalition vont entamer une grève de la faim

"Nous demandons que les élections soient annulées, que les registres électoraux soient nettoyés (des faux électeurs, ndlr), et nous espérons que nous allons y parvenir par des moyens pacifiques". Deux autres leaders de la coalition, Marinika Tepić et Miroslav Aleksić, vont entamer une grève de la faim, a-t-il ajouté. Née dans le sillage des manifestations monstres qui ont secoué le pays en mai, après la mort de 19 personnes dans deux fusillades - dont une dans une école primaire - la coalition n'a eu de cesse de dénoncer une campagne biaisée.

 

La campagne a été entachée par "une rhétorique violente, des médias biaisés, des pressions sur les employés du secteur public et une utilisation abusive des ressources publiques", le tout sur fond "d'implication décisive du président", Aleksandar Vučić, offrant à son parti "un avantage indu", selon les observateurs. "Mon travail était de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous obteniez la majorité absolue au parlement", a d'ailleurs déclaré Aleksandar Vučić dimanche soir en annonçant la victoire de son parti.

Un président omniprésent dans les médias

La fréquence des élections - trois en moins de quatre ans - a aussi été pointée par les observateurs, selon qui cela a "encore érodé la confiance du public dans le fonctionnement des institutions démocratiques". L'omniprésence du président dans les médias a "eu un impact sur la possibilité pour les électeurs de faire un choix éclairé", selon la mission d'observation. La campagne électorale a principalement tourné autour de l'économie, dans un des pays les plus pauvres du continent européen, qui a vu l'inflation atteindre 16% au printemps avant de décroître autour de 8% en novembre.

 

Aleksandar Vučić a promis un salaire minimum à 1.400 euros d'ici à 2027 - contre 590 euros en novembre -, une hausse des pensions de retraites et la poursuite des investissements étrangers en Serbie. Entre 2012 et 2022, les investissements directs étrangers en Serbie sont passés de 1 à 4,4 milliards d'euros. Sa réussite à maintenir habilement des liens entre l'est et l'ouest sont aussi appréciés. Le président serbe est passé maître dans l'art de naviguer entre son "grand frère russe" et l'Union européenne, à laquelle la Serbie est candidate à l'entrée depuis de longues années. Le Kremlin s'est d'ailleurs "félicité" de la victoire du camp d'Aleksandar Vučić.