Les Algériens sont appelés aux urnes. Samedi, des élections législatives anticipées sont organisées pour élire les 407 députés de l'Assemblée populaire nationale (APN), chambre basse du Parlement. C'est le premier vote de renouvellement depuis le départ d'Abdelaziz Bouteflika et le début des manifestations contestataires et populaires du Hirak. Né en 2019, ce mouvement d'opposition réclamait la fin de la corruption et le départ de Bouteflika. Il rejette désormais ce scrutin, sur fond de répression du régime au pouvoir. Jeudi, plusieurs journalistes ont été arrêtés.
Des journalistes et opposants arrêtés
Ils ont tous été interpellés quasiment au même moment à plusieurs endroits d'Alger. En tout, on parle d'une dizaine d'opposants arrêtés dans tout le pays. Europe 1 a contacté la mère de Khaled Drareni, journaliste indépendant, qui était injoignable depuis plusieurs heures jeudi. Cette dernière a pu échanger avec lui dans la nuit. Il lui a confirmé qu'il était détenu à la caserne militaire Antar, le siège des services de renseignement intérieur. Son avocate, Me Zoubida Assoul, est également présidente du parti politique UCP, l'Union pour le changement et le progrès. Elle aurait pu se présenter aux élections, mais comme beaucoup d'autres partis d'opposition, dans ces conditions, elle a préféré boycotter le scrutin.
"Aujourd'hui, nous avons 217 détenus d'opinion, des intellectuels, des journalistes, des jeunes, des étudiants, des femmes, des vieux, des vieilles. Politiquement, je ne peux pas m'associer à une telle mascarade parce que mes compatriotes sont encore en prison, parce qu'un avocat est en prison, parce qu'il était l'avocat de d'autres harakistes", dénonce-t-elle. Au moins 222 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Le pouvoir en place considère que les manifestations du Hirak n'ont plus lieu d'être puisqu'un nouveau président a été élu et que de nouvelles élections législatives auront donc lieu samedi.
L'enjeu de la participation
Initialement prévu en 2022, ces élections législatives ont été avancées après la réforme de la Constitution en 2020. L'enjeu pour le pouvoir en place : renouveler sa légitimité et faire un pas de plus vers la normalisation du pays, dans un contexte sécuritaire et économique catastrophique. La participation sera particulièrement scrutée après deux élections marquées par une abstention historique : 60% pour la présidentielle de 2019 et 76% pour le référendum constitutionnel de 2020.
A la veille du scrutin, difficile cependant de mobiliser les 24 millions d'Algériens appelés aux urnes. Sur les murs blancs d'Alger, quelques affiches soigneusement alignées présentent plusieurs fois les mêmes visages. Dans les rues de la capitale, ces élections sont presque un non-événement. Beaucoup d'Algériens sont touchés par ces arrestations et la sensation que rien n'a changé en deux ans décourage la plupart d'aller voter. "Non, je n'irais pas voter, parce que cela ne m'intéresse pas", confie une Algérienne. "Je sais qu'il n'y aura pas de changement en Algérie. Je ne veux pas savoir, je ne cherche pas à savoir."
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"Mon frère est en prison. Il est détenu d'opinion. Ils l'ont attrapé le jour de son anniversaire, il avait 19 ans", confie une autre passante, qui n'ira pas voter non plus. Le régime s'accommode, par avance, d'une éventuelle forte abstention, tout en espérant un taux de participation entre 40% et 50%.
Les électeurs doivent choisir parmi près de 1.500 listes, dont plus de la moitié s'affichent comme "indépendantes", soit plus de 13.000 candidats.