Magasins détruits, maisons incendiées, tirs avec des armes de gros calibres : une violence "assez inouïe", selon les autorités, s'est déchaînée dans la nuit de lundi à mardi en Nouvelle-Calédonie, avant le vote des députés sur une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes. De son côté, Gérald Darmanin a annoncé que 82 personnes ont été interpellées. Le GIGN se prépare à envoyer des renforts et, selon les informations d'Europe 1, le Raid fait de même. Suivez la situation en direct.
Les informations à retenir :
- Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a lancé mardi un appel à "la raison et au calme"
- "Des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse" ont eu lieu
- Les rues de Nouméa et de sa banlieue sont parsemées de carcasses de voitures incendiées
- Le Raid, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8 ont été mobilisés
- Un couvre-feu a été décrété pour la nuit de mardi à mercredi
- Mardi matin, Gérald Darmanin a annoncé que 82 personnes ont été interpellées
82 personnes interpellées
82 personnes ont été interpellées ces deux derniers jours lors des violences survenues en Nouvelle-Calédonie, a annoncé mardi le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin. Le ministre a "condamné de façon extrêmement forte" ces violences, qu'il a qualifiées d'"émeutes commises par des délinquants, parfois par des criminels". Du côté des forces de l'ordre, 54 gendarmes et policiers ont été blessés, dont certains "gravement", a ajouté le ministre devant la presse.
Appel "au calme et à la raison"
Le président indépendantiste du gouvernement de ce territoire du Pacifique sud, Louis Mapou, a appelé dans un communiqué "au calme et à la raison". Un couvre-feu a été décrété pour la nuit de mardi à mercredi par le haut-commissariat de la République. "Toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d'hypothéquer l'avenir", a-t-il ajouté.
Les premières altercations avec les forces de l'ordre ont commencé dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée à Paris à l'Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie. Les opposants critiquent un dégel qui risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".
"Un vrai déchaînement de haine"
Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie Louis Le Franc a rapporté "des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes" lors des violences sur la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa, au cours de la nuit de lundi à mardi. Dans les quartiers nord de Nouméa, le représentant de l'Etat a déploré "des destructions de commerces, de pharmacies et de domiciles". "On a malheureusement pu constater des exfiltrations d'habitants de leur domicile pour qu'ensuite leur domicile soit brûlé", a ajouté Louis Le Franc lors d'une conférence de presse mardi.
"Nous avons été confrontés depuis plus de 24 heures à un vrai déchaînement de haine, un déferlement de jeunes souvent alcoolisés, manifestement manipulés et d'une violence assez inouÏe", a déploré le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie. Selon le haut-commissariat, 36 gendarmes ont été blessés et 48 personnes interpellées.
Des renforts du Raid et du GIGN
Dans la crainte d'un enlisement, le Raid, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. Quinze renforts du GIGN devaient être également envoyés à Nouméa. Selon les informations d'Europe 1, le Raid se prépare également à envoyer plus d'hommes sur place.
Les autorités sont particulièrement concernées par une usine incendiée située à l'entrée de la ville et dans laquelle une trentaine d'émeutiers étaient retranchés mardi. "Nous leur demandons instamment de quitter les lieux, en raison du risque d'explosion imminent" de deux cuves d'hydrogène situées sur le site, a indiqué Louis Le Franc.
Les pompiers de Nouméa ont dit avoir reçu près de 1.500 appels dans la nuit de lundi à mardi et être intervenus sur environ 200 feux. Selon un regroupement patronal, une trentaine de commerces, d'usines et d'autres entreprises ont été incendiés.
Des rues parsemées de carcasses de voitures incendiées
"J'ai un sentiment de tristesse", confie à l'AFP Jean-Franck Jallet, propriétaire d'une entreprise de boucherie sauvée des flammes par les pompiers. "Nous avons 40 salariés, on est passé à côté de la catastrophe. On a cru que le vivre-ensemble était possible mais ça n'a pas marché, il y a trop de mensonges".
Mardi, les rues de Nouméa et de sa banlieue sont parsemées de carcasses de voitures incendiées et de restes fumants de pneus et de palettes, selon un correspondant de l'AFP sur place. Même si la situation est plus calme mardi, de nombreuses barricades restent actives. Dans la banlieue nouméenne, un supermarché, forcé à la voiture-bélier pendant la nuit, continuait d'être pillé par la population, a rapporté ce correspondant.
Un couvre-feu décrété
Un couvre-feu a été décrété de mardi 18H00 (07H00 GMT) à mercredi 06H00 (19H00 GMT mardi). En outre, tout rassemblement est interdit dans le grand Nouméa, de même que le port d'armes et la vente d'alcool dans l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie, indique le haut-commissariat, qui invite les 270.000 habitants du territoire à rester chez eux.
Aéroport fermé
Le gouvernement calédonien a annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu'à nouvel ordre. L'aéroport international est fermé et la compagnie Aircalin a suspendu ses vols pour la journée de mardi. Au cours d'une séance tendue lundi à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a appelé les députés à adopter sans modification la réforme, qui ouvre le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l'île.
Alors qu'un vote solennel était normalement prévu mardi après-midi, les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas pu être menés à leur terme dans la nuit, en raison d'un grand nombre d'amendements déposés notamment par le groupe Insoumis. Le nouveau calendrier sera acté mardi matin. Après celle du Sénat, l'approbation de l'Assemblée est nécessaire pour faire cheminer ce texte, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.
Prônant l'apaisement, le président Emmanuel Macron a promis dimanche de ne pas convoquer le Congrès "dans la foulée" du vote de l'Assemblée, selon son entourage, pour "privilégier le dialogue".