En janvier 2002, le journaliste d'Europe 1 Patrice Thomas raconte les conditions de détention des prisonniers de Guantanamo. "Enchaînés à leur siège, encagoulés et menottés, les détenus arrivent après plus de vingt heures de vol. 13.000 kilomètres de Kandahar à Guantanamo avec une escale tenue secrète. Une centaine de cellules sont prêtes. Quatre murs grillagés, un sol en ciment et un plafond en bois. Le tout est entouré de deux clôtures et de barbelés flambant neufs", raconte-t-il au micro d'Europe 1.
20 ans et 780 prisonniers
En 20 ans, ils sont 780 à être passés par la prison de Guantanamo. Parmi les premiers prisonniers, il y a deux Français, confirme quelques jours plus tard Hubert Védrine, le ministre des Affaires étrangères. "Peut-être faudrait-il que les ressortissants français soient jugés en France. C'est une question à approfondir", avait-il lancé. "Mais en tout cas, nous demandons aux autorités américaines que tous les prisonniers, quel que soit le statut juridique, bénéficient de toutes les garanties reconnues par le droit international, ce qui inclut naturellement leurs conditions de détention."
20 ans de torture à Guantanamo
Deux ans plus tard, pour la première fois, la Cour suprême des Etats-Unis autorise les prisonniers de Guantanamo à être défendus par des avocats. Mais plus les années vont passer, plus on découvre ce qu'il se passe à l'intérieur de Guantanamo.
Les militaires qui surveillent la prison racontent, comme en 2006, au micro de François Clémenceau, ce général qui commande le centre explique comment les détenus continuent de livrer tous les jours des informations importantes. "Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'un certain nombre de détenus ici ont vécu à Londres avant de s'éparpiller en Europe. Et ils nous permettent, six mois après les attentats de l'été dernier, de savoir qui est encore en fuite, qui est en cours de formation pour remplacer ceux qui ont fait le coup et qui sont leur chef à l'échelon intermédiaire", déclare-t-il.
"Livrés à l'armée américaine, parfois contre de l'argent"
Cette même année 2006, une décision de justice aux Etats-Unis oblige le Pentagone à publier une liste des prisonniers de Guantanamo. On découvre que certains détenus n'ont aucun lien direct avec le terrorisme, dit Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS. "Il y a beaucoup d'Afghans. Donc, ce sont manifestement des gens qui se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment et qui ont été livrés à l'armée américaine, parfois d'ailleurs contre de l'argent", avance-t-il.
Le président Barack Obama promet en 2009 de fermer Guantanamo, mais il ne le fera pas. Cette même année 2009, le premier prisonnier libéré de Guantanamo, Lakhdar Boumediene, s'exprime. Innocenté après sept ans de prison, il raconte alors à Europe1 la torture qu'il a subie. "Ils me questionnaient pour Al-Qaïda, pour Oussama Ben Laden, ils me frappaient, ils commençaient avec le torture, les interrogatoires étaient la nuit, le jour, l'après-midi, le matin, c'était comme un cauchemar", raconte-t-il.
Aujourd'hui, il reste 39 prisonniers à Guantanamo, dont un Pakistanais considéré comme un des cerveaux du 11-Septembre.