Jennifer a plus de 33.000 abonnés sur Instagram. 2:49
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Sonia Dridi, édité par Laetitia Drevet , modifié à
Un peu partout dans le monde et en particulier aux Etats-Unis, de plus en plus de femmes mettent en scène sur des blogs ou sur les réseaux sociaux leur vie de famille, entre enfants, jardins fleuris et cours de yoga. Europe 1 a rencontré l'une d'entre elle, la New yorkaise Jennifer Monness.
REPORTAGE

C’est un phénomène de plus en plus répandu dans le monde, et en particulier aux Etats-Unis. Des "super mamans" vendent leur vie de rêve sur Instagram, se mettant en scène dans des salons bien rangés ou des jardins fleuris en train de jouer avec leurs enfants. Elles jonglent apparemment aisément entre les cours de musique, la préparation de muffins et leurs cours de yoga, un genre de "desperate housewives" nouvelle génération. Bon nombre de ces mères influenceuses sont de véritables entrepreneuses, comme la New yorkaise Jennifer Monness, qu'Europe 1 a rencontré.

Entre carrière et vie de famille

Jennifer, 37 ans, a deux filles de 3 ans et demi et un an et demi, dont elle poste régulièrement des photos. Elle avait une carrière d’éducatrice avant d’ouvrir un blog et un compte Instagram en 2017, qui documente depuis sa vie de maman, donne des idées de jeux aux parents ainsi que des conseils pour interagir avec ses enfants. Un moyen de combiner son métier avec sa vie de mère, explique-t-elle. "Je n’avais pas envie de manquer tous ces moments avec mes enfants et en même temps je voulais travailler, avoir quelque chose à moi. Je ne voulais sacrifier ni ma vie de famille, ni ma vie professionnelle. Donc je me suis dit que c’était un bon moyen de trouver un équilibre. Mais au départ je ne savais pas ce que ça allait donner, je me suis lancée comme ça."

Quatre ans après l’ouverture de son compte, elle est suivie par quelques 33.000 personnes sur Instagram et a ouvert un espace de jeux pour enfants à New York, encouragée par les retours positifs reçus sur son compte et son blog "momommies".

Une activité (très) bien rémunérée

Sur internet, les post sur le thème de la parentalité peuvent rapporter gros. Les mères influenceuses sont en effet régulièrement sollicitées par des entreprises, des fabricants de couches ou de jouets par exemple, pour mettre leurs produits en avant. "Je peux être payée entre 700 et 20.000 dollars", confie Jennifer. Aux États-Unis, la loi prévoit toutefois que les influenceuses indiquent lorsqu’elles sont payées pour un post ou un partenariat. Jennifer dit ne vouloir mettre en avant que les produits qu’elle a testés.

Jennifer avec

Si les revenus qu'engrange Jennifer via Instagram ne constituent qu’une petite partie de ses revenus globaux, de nombreuses influenceuses vivent aujourd'hui de leurs posts. Beaucoup ont quitté leur travail pour se consacrer exclusivement à cette activité et les plus populaires gagnent des centaines de milliers de dollars par an.

Coups durs et moments de blues

Mais de l’autre côté de l’écran, ces comptes peuvent avoir un effet pervers. Leurs abonnées, face à l’apparente perfection de ces "super mamans", vivent avec la pression de ne pas être à la hauteur. Jennifer dit être bien consciente du problème. Elle a d’ailleurs choisi dès ses début de partager ses moments de blues autant que ses bonheurs en famille. "J’ai décidé de témoigner sur ces sujets pour la communauté. Je voulais aider d’autres gens en parlant et un grand nombre de personnes m’ont apporté leur soutien. Ce compte est devenu un moyen de connecter les gens, de former une communauté. Je n’ai pas fait ça pour gagner des followers."

Au fil de ses posts, on découvre qu’elle a eu recours à une FIV pour être enceinte ou encore qu’elle a fait une fausse couche. "Ce n’est en général pas le genre de chose dont je parle aux gens, mais je n’ai pas partagé cette histoire juste comme ça. C’était parce que je voulais que quelqu’un d’autre qui m’écoute ou me lise se dise 'Elle a vécu ça elle aussi'. Quand je suis vulnérable et que je m’ouvre aux autres, je le fais en espérant que cela aide quelqu’un. Je partage tout ça car il y a des gens qui me prennent comme modèle et je veux qu’ils sachent que pour moi aussi c’est dur."

Comme elle, plus en plus d’influenceuses choisissent de mettre en avant leurs moments les plus vulnérables. Selon Jennifer, la pandémie a contribué à changer les règles du jeu. "Je pense qu’avant tout ça, c’était facile de prétendre que tout était toujours parfait. Mais avec la pandémie, on ne pouvait plus se mettre sur notre 31, poser sur le patio et prétendre qu’on allait quelque part avec nos enfants. Donc beaucoup ont commencé à se montrer en pyjama car elles passaient la journée en pyjama. Quitte à partager sa vie, autant que ce soit sa vraie vie.

Quid des enfants ?

Autre sujet de préoccupation, et pas des moindre : quid des enfants de ces "super mamans" exposés dès leur plus jeune âge ? Certains experts pointent du doigt les problèmes éthiques soulevés par leur surexposition, notamment lorsqu’elle est source de revenu pour les parents. Pour Jennifer, tout est une question d’équilibre. "Ça dépend de comment on utilise les réseaux sociaux. Parfois, les parents montrent des moments où leurs enfants sont très vulnérables et je l’ai sûrement fait dans le passé. Mais je pense qu’on peut respecter nos enfants et être une mère influenceuse. Il faut trouver le juste milieu." Elle assure d'ailleurs qu'elle n'insiste jamais si ses enfants refusent de poser pour une photo. 

Beaucoup d’enfants de ces influenceuses reçoivent aussi régulièrement des cadeaux, et le retour à la réalité pourrait être difficile. Le phénomène est récent mais des études montrent déjà les dérives psychologiques qu’entrainent cette sollicitation permanente des enfants par leurs parents influenceurs.