Le gouvernement espagnol devrait obtenir vendredi le feu vert du Sénat pour prendre le contrôle de la Catalogne, une mesure sans précédent en 40 ans de démocratie à laquelle les séparatistes pourraient répliquer par une déclaration d'indépendance.
Une prise de contrôle de la Catalogne. La rupture semble consommée entre la Catalogne et l'Espagne, dont les rapports n'ont cessé de se tendre depuis le début des années 2010. Face aux menaces de sécession proférées par les indépendantistes, les mesures envisagées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy sont désormais drastiques : destitution de l'exécutif indépendantiste de la région, mise sous tutelle de sa police, de son Parlement et de ses médias publics pendant une période pouvant durer six mois, avant des élections régionales en 2018.
Activation de l'article 155. Pour défendre ces mesures, Mariano Rajoy participera à la séance cruciale de débats au Sénat, qui doit débuter vers 10 heures vendredi. Son parti disposant d'une confortable majorité des sénateurs, ceux-ci devraient donc accorder au gouvernement l'autorisation de faire usage d'un article de la Constitution très délicat et encore jamais utilisé, le 155. Cet article permet à l'État de prendre le contrôle d'une "communauté autonome si elle ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par la Constitution ou d'autres lois".
Suspension de l'autonomie pendant six mois. Le gouvernement a assuré vouloir uniquement en faire usage pendant six mois, pour "restaurer l'ordre constitutionnel" et même "la concorde", alors que les Catalans sont divisés sur la question de l'indépendance. Il s'agit de "préserver la reprise économique, l'emploi, la tranquillité des familles, qui sont en danger du fait de décisions capricieuses, unilatérales et illégales du gouvernement" catalan, a assuré jeudi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria.
"La République nous attend, il faudra la défendre". Mais ces mesures risquent d'entraîner une forte résistance - se voulant pacifique - en Catalogne. Les grandes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, dont les dirigeants avaient été placés en détention pour "sédition" à la mi-octobre, ont lancé des appels à manifester devant le parlement catalan dès vendredi matin, avec le slogan : "La République nous attend, il faudra la défendre".
Beaucoup estiment que cette mise sous tutelle de la région pourrait contribuer à y renforcer le sentiment indépendantiste. Le président catalan, l'indépendantiste Carles Puigdemont, a déjà lancé que ces mesures cachaient en fait "l'intention vengeresse" de l'État contre la région insoumise.
Déclaration d'indépendance contre article 155. Les partis séparatistes - allant de l'extrême gauche au centre-droit - sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au parlement catalan depuis septembre 2015. Ils conduisent un processus, présenté comme irréversible, pour conduire la région à l'indépendance, au grand dam d'une bonne partie des Catalans qui veulent rester espagnols.
Vendredi, "nous proposerons que la réponse à l'agression incarnée par l'article 155 soit de poursuivre le mandat du peuple de Catalogne, tel qu'il découle du référendum" du 1er octobre, a annoncé le député catalan indépendantiste Lluis Corominas. Reste à savoir si le camp indépendantiste restera assez soudé pour voter, vendredi, sa proclamation de "la République catalane".