L’Espagne est secouée par un séisme politique. Dimanche, les élections municipales et régionales ont opéré un profond changement sur la scène politique du pays, rythmée depuis près de 30 ans par le bipartisme entre la gauche et la droite. Les "indignés", mouvement né d’un ras-le-bol de la crise économique et soutenu par Podemos, sont bien placés pour remporter la mairie de Madrid, après 24 ans de pouvoir des conservateurs du PP. Le parti anti-libéral, marqué à gauche, est également arrivé en tête à Barcelone, la deuxième ville du pays. Mathieu Petithomme, politologue, spécialiste de l'Espagne, maître de conférences à l’université politique de Besançon, analyse les résultats de ce scrutin historique pour Europe 1.
>> Comment peut-on expliquer le succès de Podemos ?
Les deux facteurs clés, ce sont l’austérité et la corruption politique. Premièrement, la situation économique espagnole a provoqué le mécontentement de la population. Podemos, qui n'est pas un parti d'extrême-gauche, a convaincu grâce à des thèmes transversaux qui parlent à tous les Espagnols, comme la fin des expulsions locative ou la baisse des prix de l’énergie. Il faut ajouter à cela les nombreux scandales de corruption politiques qui ont éclaboussé toutes les formations traditionnelles. Podemos a fait également campagne sur le thème de la transparence en politique. Leur électorat principal n’est pas tant des jeunes que leurs parents, de la petite fonction publique précarisée par exemple.
>> L’influence de Podemos se fait-elle déjà sentir sur la politique espagnole ?
Oui, Podemos a déjà opéré de profonds changements sur la scène politique espagnole. Ils ont été les premiers à mettre en place un système de primaires ouvertes, avant d’être imités l’an dernier par le parti socialiste. Podemos a également lancé le débat sur le renouvellement des élites politiques. Ils ont promu des nouveaux candidats, dont de nombreux jeunes, avant d’être là aussi imités par les autres partis. Le leader du parti socialiste a 42 ans par exemple, car il y a une volonté de changement. Mais ce qui est clair c’est que le jeu politique est beaucoup plus ouvert.
>> Podemos peut-il arriver au pouvoir lors des prochaines élections législatives, qui se tiendront à la fin de l’année ?
Est-ce qu’ils le peuvent, c’est difficile à prédire. Mais c’est leur but. Pablo Iglesias, le leader de Podemos, veut conquérir le pouvoir. Son but n’est pas d’être la troisième ou quatrième force du pays, mais bien la première. Podemos n’est pas un parti anti-système, mais bien une formation qui se positionne pour devenir un parti de gouvernement. La preuve, c’est qu’ils savent se montrer pragmatiques. Lors des dernières élections européennes, Podemos avait proposé de renégocier la dette espagnole. Mais ils ont rapidement abandonné cette piste après avoir compris qu’elle était beaucoup trop radicale. Au niveau local, c’est la même chose. Podemos est prêt à s’allier avec d’autres partis, notamment de gauche, pour gouverner de nombreuses mairies dans le pays.