Avec la disparition du magistrat Antonin Scalia, la Cour suprême des Etats-Unis ne compte plus que huit juges pour trancher des questions brûlantes de société. Une situation délicate à quelques mois seulement de l’élection présidentielle. Le président Obama souhaite nommer au plus vite un successeur, mais le Sénat – qui doit valider cette nomination - n’est pas du même avis.
Plus que huit juges pour siéger. Décédé à l'âge de 79 ans, Antionin Scalia était depuis trois décennies le relais le plus fidèle des républicains à la Cour suprême, avec son opposition invariable à l'avortement, à l'union homosexuelle, et sa défense farouche de la peine de mort et de la détention d'armes individuelles.
Sa disparition rebat donc complètement les cartes. Jusqu’à présent, neuf juges siégeaient à la Cour suprême : quatre franchement conservateurs – dont Antonin Scalia - quatre progressistes, et un neuvième juge, Anthony Kennedy, conservateur plus modéré, placé en statut d'arbitre sur les sujets sensibles de société.
En théorie, rien n'interdit à la Cour suprême de siéger à huit juges (cela se passe notamment quand un des Sages se met à l'écart en cas de conflit d'intérêt lié à sa carrière passée), mais désormais les risques de blocage à quatre contre quatre sont bien réels. Dans ce cas, le jugement de la juridiction inférieure reste inchangé.
Immigration, avortement, discrimination positive. Ce problème est exacerbé par le calendrier des dossiers que la haute cour est censée régler d'ici fin juin. Parmi ceux-ci, figure l'examen d'une mesure emblématique du président Obama, protégeant près de cinq millions de clandestins d'une expulsion. Une mesure à laquelle les républicains sont fortement opposés.
La Cour suprême devait aussi se pencher début mars sur la question ultra-sensible de la légalité des restrictions posées par certains Etats américains au droit des femmes à se faire avorter. Là aussi, un sujet qui oppose radicalement les candidats démocrates et républicains.
Autre décision capitale attendue : la question délicate de la discrimination positive à l'entrée à l'université. Lors de l'audience sur cette affaire, en décembre, le juge Scalia avait ouvertement exprimé son scepticisme sur ce mécanisme emblématique, dont la suppression ferait l'effet d'un coup de tonnerre sur des campus américains déjà fortement agités. L'incertitude la plus totale règne désormais sur l'issue de ces dossiers.
Obama pourrait nommer son successeur. La solution pourrait venir d’un remplacement du siège vide. Barack Obama a fait savoir qu’il comptait nommer rapidement le successeur d’Antonin Scalia, comme la loi l’autorise à le faire. Mais il faudra que le candidat, choisi par le président américain, soit auditionné par le Sénat, qui validera ensuite, ou non, la nomination. Or, le Sénat est tenu par les républicains. Les sénateurs feront donc tout pour entraver les efforts du président Obama.
"Etant donné qu'il est très improbable qu'un remplaçant soit nommé durant ce mandat (de la Cour, courant jusqu'à fin juin), on doit s'attendre à voir un certain nombre d'affaires se terminer sur une Cour divisée à égalité, confirmant ainsi le jugement du tribunal inférieur", prédit Tom Goldstein, sur le site spécialisé ScotusBlog.
Un des derniers jugements auxquels aura participé Antonin Scalia est la suspension du programme de lutte contre le réchauffement climatique du président américain Barack Obama, annoncée mardi à la surprise générale. Une décision qui a confirmé l'importance du rôle de la Cour suprême dans les institutions américaines.