La Chambre américaine des représentants a clos sa journée mercredi sans parvenir à élire son nouveau président, s'enfonçant un peu plus dans la crise. Des divisions au sein des Républicains bloquent l'élection. Kevin McCarthy, qui faisait office de grand favori pour succéder à Nancy Pelosi, est considéré comme trop modéré par une poignée d'élus trumpistes.
Un scénario inédit en 100 ans : la Chambre américaine des représentants était complètement paralysée mercredi, des dissensions dans les rangs républicains empêchant les élus de se choisir un président. Les débats ont repris en milieu de journée dans l'hémicycle pour une deuxième journée de vote, mais aucun accord n'avait pu être trouvé à l'issue d'un cinquième tour. Grand favori pour remplacer Nancy Pelosi au perchoir, le républicain Kevin McCarthy est suspendu au bon vouloir d'une vingtaine d'élus trumpistes qui l'accusent d'être trop modéré et jouent délibérément les trouble-fête.
Membres de la frange la plus conservatrice du parti, ces élus profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour poser leurs conditions. Sans leur soutien, Kevin McCarthy ne peut pas être élu. L'Amérique veut "un nouveau visage, une nouvelle vision, un nouveau leadership", a argué le turbulent élu du Texas, Chip Roy. Kevin McCarthy, membre de l'état-major républicain depuis plus de 10 ans, a déjà accédé à nombre des exigences de ce groupe, sans que cela ne permette de sortir de l'impasse. Pire, l'opposition à sa candidature semblait se cristalliser.
"Éviter une défaite embarrassante"
Le président démocrate Joe Biden a qualifié cette situation d'"embarrassante", assurant que "le reste du monde" suivait cette pagaille de près. Chez les élus républicains non-réfractaires et largement majoritaires, un agacement commençait à se faire sentir, donnant lieu à des débats très animés dans l'hémicycle. "Tout ça paraît désordonné", a concédé l'élu Mike Gallagher, un proche de Kevin McCarthy. Mercredi matin, Donald Trump est sorti du bois, appelant sur son réseau social à ce que son parti fasse tout pour "éviter une défaite embarrassante".
>> LIRE AUSSI - Elon Musk rétablit le compte de Donald Trump sur Twitter
Mais l'ancien président, dont la réputation de faiseur de rois a sérieusement été mise en doute ces derniers mois, n'est pas non plus parvenu à convaincre ce groupe conservateur à rentrer dans le rang. "Le président devrait dire à Kevin McCarthy qu'il n'a pas les voix nécessaires et qu'il doit retirer sa candidature", a rétorqué l'élue Lauren Boebert, grande fidèle de Donald Trump, depuis l'hémicycle.
L'élection du "speaker", le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Lors des cinq premiers tours, Kevin McCarthy n'a pas réussi à dépasser les 203. Cette situation paralyse complètement l'institution: sans président, les élus ne peuvent pas prêter serment, et donc passer quelconque projet de loi. Les républicains ne peuvent pas non plus ouvrir les nombreuses enquêtes qu'ils avaient promises contre Joe Biden.
Une aubaine pour Joe Biden ?
Une situation que les démocrates observent avec un certain amusement, lançant parfois rires narquois et applaudissements dans l'hémicycle. Le parti de Joe Biden fait bloc autour de la candidature de Hakeem Jeffries, mais l'élu ne dispose pas non plus d'assez de voix pour être élu au perchoir. Les élus continueront à voter jusqu'à ce qu'un président de la Chambre des représentants soit élu. Cela devait être l'affaire de quelques heures, mais pourrait s'étendre sur plusieurs semaines: en 1856, les élus du Congrès ne s'étaient accordés qu'au bout de deux mois et 133 tours.
Etre face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s'il confirme son intention de se représenter en 2024, décision qu'il doit annoncer en début d'année. Le président démocrate s'est rendu lui mercredi dans le Kentucky pour vanter le chantier d'un nouveau grand pont financé par une pharaonique loi d'infrastructures qu'il a portée, et qui avait récolté quelques voix républicaines au Congrès.
L'occasion pour lui d'endosser son costume favori de président centriste, friand des compromis, hérité de sa longue carrière de sénateur. Hasard du calendrier, il est accompagné du chef des républicains à l'autre chambre du Congrès américain… le ténor du Sénat Mitch McConnell.