À trois jours du scrutin des européennes en France, le Rassemblement national continue de faire la course en tête dans les derniers sondages, talonné par la liste de la majorité présidentielle. Plus globalement, la montée des populismes dans plusieurs pays européens laisse craindre chez de nombreux observateurs une entrée en force des formations d'extrême-droite au Parlement européen pour la prochaine législature.
"Il y a un enjeu historique. Il faut bien mesurer que, pour la première fois de l'histoire au Parlement européen, des forces nationales populistes peuvent faire leur apparition en grand nombre", explique jeudi au micro de Nikos Aliagas, sur Europe 1, Marion Van Renterghem. "Elles ne seront pas majoritaires, mais suffisantes pour avoir un pouvoir de nuisance."
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Un élargissement trop rapide
Grand reporter au Monde pendant vingt ans, cette journaliste publie chez Stock Mon Europe, je t'aime moi non plus 1989-2019, un récit personnel sur les bouleversements qui agitent le vieux continent. "On a été dans une période d’expansion, d’optimisme et de croissance jusqu’à cette apothéose qu'a été la chute du mur de Berlin. On se disait que la démocratie était arrivée pour tout le monde", rappelle-t-elle. Mais les élargissements successifs, "que l’on ne pouvait pas éviter politiquement, éthiquement, moralement, philosophiquement, car on se devait d’accueillir dans l’UE ces pays qui avaient été brimés et rayés de notre carte", ont marqué une série de déséquilibres.
"Ça a créé des différences de niveaux de vie, des différences sociales, fiscales et un sentiment de déclassement dans les populations des vieilles démocraties, et de frustration du côté des pays de l’Est. L’Europe, à ce moment-là, a commencé à se désunir", poursuit-elle. Selon Marion Van Renterghem, les populistes européens ont davantage capitalisé sur ces sentiments mêlés, que sur des situations d’inégalités flagrantes. "L’Union européenne est l’ensemble continental le moins inégalitaire du monde, et malgré tout, il y a des révoltes et des sociétés divisées en deux", pointe-t-elle.
"On ne parlait pas de Bruxelles quand ça allait bien, mais c'était la faute de Bruxelles si ça allait mal"
Au fil des années, les populistes ont également développé un discours politique plus pragmatique, et donc plus audible. "Maintenant, plus aucun dirigeant, même très nationaliste, n’ose dire qu’il veut sortir de l’Union européenne", observe cette spécialiste. "Ils se sont rendus compte que c'est dangereux économiquement, mais leur seul objectif reste de détruire l’UE, il ne faut pas se tromper", alerte Marion Van Renterghem.
Leur envol dans les sondages aura également été favorisé par la montée de l’abstention, conséquence selon Marion Van Renterghem de la tendance de nombreux responsables à imputer à Bruxelles l’échec de leur propre politique. "Ils ont la monnaie de leur pièce. Ils sont coupables de lâcheté, parce qu’ils se sont systématiquement défaussés sur l’Union européenne de leurs propres défaillances", dénonce-t-elle. "On ne parlait pas de Bruxelles quand ça allait bien, mais c’était la faute de Bruxelles si ça allait mal."
"La construction la plus importante et la plus positive, malgré toutes ces imperfections, depuis l’après-guerre, c’est cette Union européenne", assure Marion Van Renterghem, toujours sur Europe 1. "Il faut l’arranger, la compléter, et ne pas la détruire."